Les traités européens actuels contredisent l’intérêt des peuples de l’Union. Ils verrouillent la démocratie, imposent des orientations libérales, contrarient tout choix démocratique et nous inféodent aux États-Unis d’Amérique. Ils empêchent la transition écologique et le progrès social. « Sortir », « refonder » ou « changer » les traités, « désobéir » pour « reconstruire », quel que soit le terme employé, l’objectif est toujours le même : moins d’UE pour plus d’Europe. Le cadre fixé par l’Union européenne rend impossible toute alternative politique à l’échelle nationale.
Dans le camp de l’émancipation collective et du progrès humain, la « question européenne » est au centre de désaccords. Seule une ligne claire permet de sortir des postures creuses entre « pro » et « anti » européens et d’éviter de nouvelles désillusions qui chaque fois discréditent un peu plus la représentation politique. Cette note propose un processus technique argumenté et innovant, destiné à toute force du progrès écologique et social accédant au pouvoir et souhaitant appliquer le programme élu par le peuple souverain. Elle s’appuie sur les leçons les plus récentes des affrontements avec les institutions européennes, du Brexit au cas chypriote, en passant par l’Italie et la Grèce.
1) LES TRAITÉS DE L’UE CONTRE LES PEUPLES ET L’INTÉRÊT GÉNÉRAL
Le libéralisme a été constitutionnalisé et la concurrence généralisée dès les fondements de l’UE. Ces dernières décennies, les élargissements successifs de l’Union ont dilué toute unité politique et annihilé toute capacité d’action réelle. Entre les traités et l’écologie, il est temps de choisir. Le traitement de la crise de la zone euro a organisé la sécession entre pays du Nord et du Sud. En conséquence, la concurrence s’aiguise et les forces xénophobes s’organisent.
Pourtant, une autre Europe fonctionne (et a fonctionné) en-dehors des traités. Pour renouer avec elle, le deuil de certains mythes est nécessaire : l’Europe sociale, l’euro démocratique ou le fédéralisme continental n’auront pas lieu. Aucune coopération n’est envisageable sous le règne des traités actuels.
2) SUBSTITUER L’EUROPE POLITIQUE À L’EUROPE FINANCIÈRE
Un projet européen alternatif, ambitieux et émancipateur est possible. Il doit être fondé sur la souveraineté populaire et répondre à l’urgence écologique. Aucun peuple ne doit pouvoir imposer à ses voisins comment organiser ses échanges économiques. En même temps, le cadre premier de coopération doit être la « règle verte » : ne pas prélever plus à la planète que ce qu’elle peut reconstituer par séquence de temps.
La logique doit être la suivante : nous n’imposons rien à nos voisins, et rien ne peut nous être imposé par eux ou par quelconque autorité illégitime censée nous représenter collectivement. Autrement dit, chaque peuple doit être libre de décider ce qu’il considère être souhaitable pour faire société.
Il est urgent d’appliquer un contrôle politique sur le capital et de faire émerger un socle social minimal. Rêvons des rêves raisonnables : bridons la concurrence – notamment en matière de services publics, instaurons un protectionnisme solidaire pour rompre avec le marché unique, mettons un terme à la concurrence fiscale, réinventons la politique monétaire pour la mettre au service du financement de la transition écologique et sociale. Pour renouer avec le progrès humain, ce projet alternatif s’appuiera d’abord sur la culture et l’éducation. Il doit œuvrer avec ambition pour l’autonomie de l’Europe dans des secteurs stratégiques comme le numérique. Enfin, il doit construire une Europe de la paix, digne et ambitieuse dans sa politique migratoire.
Si l’on s’accorde sur ces objectifs, sortir des traités apparaît comme la seule solution raisonnable. Mais il est illusoire de penser que tout projet de changement radical de l’Union européenne sera accepté facilement par l’ensemble des parties prenantes. Les règles actuelles ne seront pas refondées sans définir une stratégie préalable reposant sur un rapport de force et des négociations dûment préparées. La stratégie proposée dans cette note est celle de la riposte graduée, s’appuyant sur des plan(s) A et B dans une version rénovée et affinée.
3) DÉFINIR DES LIGNES ROUGES ET PROCÉDER GRADUELLEMENT : PLAN(S) A ET PLAN(S) B
Un gouvernement plaçant la souveraineté populaire au cœur de son programme politique doit désobéir à certaines règles européennes sans attendre l’avancée des négociations, incertaines par nature. Il doit définir des lignes rouges, axes de changements essentiels à l’aboutissement de son programme progressiste et écologiste. Il lui faudra alors user des outils disponibles pour parer les menaces des marchés financiers et de la BCE, qui ne manqueront pas de réagir. Il devra également s’affranchir du principe de la hiérarchie du droit européen par un rapide référendum au lendemain de l’élection présidentielle, instaurant un principe de non-régression.
Cette désobéissance démontrera sa volonté politique et lui permettra d’arriver de façon crédible à la table des négociations, qu’il conduira en parallèle. C’est là que la stratégie plan A / plan B entre en jeu. Elle repose sur deux actions : demander aux partenaires européens une renégociation des traités sur la base d’une note préalable, tout en préparant dès le premier jour un plan de sortie. Dans tous les cas, la décision finale revient au peuple, consulté par voie référendaire.
Les scénarios possibles sont toutefois moins binaires que la formule de « plan A / plan B ». Le processus de riposte graduée à envisager est le suivant :
Plan(s) A : ensemble si possible
- Une refondation collective maximale : tous les États-membres s’accordent sur les demandes de la France et acceptent la rédaction d’un traité refondateur de l’Union. Ce scénario est hautement improbable.
- Une refondation collective minimale : certains États-membres s’accordent sur les demandes de la France et décrètent de nouvelles règles collectives par le biais d’un traité international commun. Certaines forces politiques européennes pourront ainsi être des points d’appui – au Portugal, en Espagne, en Grèce voire en Italie…
Plan(s) B : à quelques-uns, si nécessaire
- Une rupture par dérogation collective : une partie des États-membres de l’Union européenne s’accordent pour déroger à certaines clauses choisies des traités européens qui les empêchent de mener une politique progressiste nationale.
- Une rupture par dérogation unique : la France s’affranchit de quelques clauses des traités européens qui l’empêchent de mener une politique progressiste nationale.
- Une rupture unilatérale minimale : la France s’affranchit de certaines clauses des traités européens et quitte la zone euro.
- Une rupture unilatérale maximale : la France quitte la zone euro et l’Union européenne.