Pour l’heure, le nouveau chef de l’État appelle ses partisans à rester calmes et à attendre sereinement la révision des résultats par le jury national d’élections (Jurado nacional de eleciones).
Nous observons en tout cas l’émergence d’une gauche nationale et populaire qui éclate avec force sur la scène latino-américaine, à l’instar du Mexique. Pedro Castillo est un instituteur rural et leader syndical qui a mené une grande grève générale en 2017 qui avait secoué le Pérou. Leader des « rondes campesinas » (patrouilles paysannes), forme traditionnelle d’autodéfense contre l’abandon de l’État, il a également combattu la sinistre organisation terroriste du Sentier Lumineux et les forces paramilitaires dans les campagnes. Il revendique l’influence dans sa vie de la pensée mariatéguista (José carlos Mariategui, fondateur du parti communiste au Pérou).
L’un des challenges importants pour le président Pedro Castillo sera de donner une gouvernabilité à un pays qui depuis 2016 a connu quatre présidents. Il n’aura pas non plus de majorité législative : sur les 120 députés qui siègent au Congrès de la République, les résultats des élections lui donnent 42 députés au pouvoir -système monocaméral- (Peru Libre, le parti de Pedro Castillo a obtenu 37 sièges et Juntos por el Peru de Veronika Mendoza 5).
Les Péruviens revendiquent leurs votes, et manifestent massivement à Lima grâce à l’arrivée de centaines de ronderos et autres groupes organisés depuis le sud, le centre et le nord du pays. D’autre part, des manifestations spontanées et pacifiques ont lieu à travers le pays.
Dans la capitale, ces personnes organisent des veillées massives sur les places publiques et autour des institutions. Il est bon de souligner que le président Pedro Castillo continue ses rencontres, avec des maires de droite entre autres, des parlementaires, des chefs d’autres partis d’opposition. Des réunions durant lesquelles il réaffirme et rassure sur la suite de son programme, à savoir :
✔️ Ils suivront le plan bicentenaire qu’ils ont rédigé pour le deuxième tour.
✔️ La priorité d’un gouvernement Pedro Castillo sera la vaccination et la réactivation économique.
✔️ Les principales préoccupations sont le chômage et la pauvreté.
✔️ Il réaffirme qu’il n’y aura pas de nationalisation ni de confiscation de l’épargne, qu’il n’y aura pas de contrôle des changes et qu’ils maintiendront l’autonomie de la BCR.
✔️ La proposition économique du PL sera axée sur la réactivation économique et une plus grande pression fiscale et des dépenses sociales.
✔️ Les dépenses seront davantage axées sur la santé et l’éducation.
✔️ Il y aura une augmentation des investissements publics.
✔️ Une pression fiscale plus élevée sera obtenue avec :
i) moins d’évasion et de fraude fiscale (le Pérou perçoit moins de la moitié de ce qu’il devrait en raison de l’évasion);
ii) une augmentation des taxes ou des redevances à l’exploitation minière. « Les richesses supplémentaires issues de l’exploitation minière doivent être partagées avec les Péruviens. » La renégociation des contrats avec les sociétés minières sera axée sur l’amélioration des conditions sociales et environnementales. « Les sociétés minières doivent avoir des bénéfices raisonnables et adéquats. »
✔️ Ils maintiendront les contrats de stabilité fiscale.
✔️ Il n’y a pas de proposition concrète sur les AFP, (système de fonds de pension privatisé) puisqu’une réforme nécessitera un consensus avec le Congrès, où ils savent qu’ils n’ont pas la majorité. Cependant, il indique qu’il faut un système national important car l’ONP ne fonctionne pas bien.
✔️L’indépendance de la BCR (Banco central de reserva) sera maintenue conformément à la constitution actuelle. Le conseil d’administration ne peut être révoqué (sauf en cas de faute grave) et l’interdiction de la BCR de financer des dépenses fiscales sera respectée. Ils sont d’accord avec le travail effectué par la BCR, les objectifs de l’inflation et les mesures mises en œuvre pendant la pandémie.
✔️L’intention de proposer un référendum pour décider de la convocation d’une Assemblée constituante est maintenue.
✔️Ils vont promouvoir l’investissement privé, mais en contrôlant qu’il n’y a pas de corruption.
✔️Il a fait remarquer que la propriété des investisseurs ne sera pas nationalisée, qu’il n’y aura pas de contrôle des changes et qu’ils pourront prendre leurs bénéfices s’ils le souhaitent.
✔️ L’objectif final est la création d’emplois (notamment dans le secteur agricole et dans les MyPes (moyennes et petits entreprises)
Dancuort Masías (ancien président de la Banque Centrale) et Pedro Francke, les économistes de l’équipe du Président Pedro Castillo, qui ont des rôles importants dans le futur cabinet, ont tenu vendredi 11 juin dans la matinée une réunion virtuelle sur zoom organisée par Citybank Peru.
Pedro Francke et Oscar Dancourt y ont assisté, ainsi que 1 000 (vous avez bien lu), un millier d’hommes d’affaires étrangers et nationaux, clients de la Banque. La réunion a duré deux heures et l’échange d’idées a été intense. La plupart des hommes d’affaires sont sortis de la réunion très rassurés.
De même, la déclaration du président des hommes d’affaires péruviens, le MEDEF péruvien, a rejeté l’existence d’une fraude, donnant des signes clairs d’acceptation des résultats des élections présidentielles. Un autre dernier point important à faire savoir : la décision, par le biais d’une déclaration publique, des forces armées appelant à respecter le vote populaire et leur refus d’être utilisées dans le processus de décision pour les életions. De nombreuses autorités et organisations politiques, tant en Amérique latine que dans le reste du monde, ont salué la victoire de Pedro Castillo.
Nous constatons donc que même si les tentatives de diversion et de déstabilisation du pays se poursuivent abondamment, avec le soutien des médias aux mains de l’oligarchie péruviennes, nous assistons surtout à un soutien populaire massif, en état de vigilance pour prendre soin du vote populaire. Le professeur Castillo est en train de préparer ses équipes pour gouverner le pays, espérons-le à partir du 28 juillet.
Hier le 21 juin, a été débattue la demande du procureur anticorruption péruvien José Pérez, d’annuler la liberté conditionnelle de la candidate présidentielle Keiko Fujimori et de la placer en détention provisoire pour blanchiment d’argent et autres délits. Si cela est confirmé la victoire de Pedro Castillo sera sans doute légitimement proclamée.