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Pour la ratification de la Convention 190 de l’OIT contre les violences contre les femmes

818 millions de femmes sont victimes de violence et de harcèlement sur leur lieu de travail. Suite à un long travail entamé en 2009, l'Organisation Internationale du Travail a adopté une convention qui vise à éradiquer ces violences. Marina Mesure, contributrice du Monde en commun, interpelle la France pour une ratification rapide.

Marina Mesure est engagée dans les luttes syndicales mondiales.

La violence à l’égard des femmes constitue l’une des violations des droits humains les plus répandues, les plus persistantes et les plus dévastatrices dans le monde[1]. Elle demeure aussi l’une des moins signalées en raison de l’impunité qui l’entoure. Cette violence prend plusieurs formes : violence d’un partenaire dans l’intimité du foyer, violence sexuelle et harcèlement dans la rue ou sur le lieu de travail, trafic d’êtres humains (esclavage, exploitation sexuelle), mutilations génitales ou mariage forcé.

En cette journée internationale pour l’élimination de la violence contre des femmes, les combats à mener sont donc nombreux. Certains instruments internationaux récemment élaborés pour lutter contre ce fléau ouvrent quelques perspectives d’avenir. Le 21 Juin 2019, l’Organisation internationale du travail (OIT) a notamment adopté un texte historique visant à éradiquer la violence et le harcèlement dans le monde du travail qui pourrait changer la vie de millions de travailleuses.

En effet, plus de 818 millions de femmes à travers le monde sont victimes de violence et de harcèlement dans le monde du travail mais un tiers des pays n’ont aucune législation en vigueur pour les protéger[2].

Ce traité international est donc un outil essentiel car il prévoit la protection de toutes les travailleuses, dans l’économie formelle ou informelle, du secteur privé ou public, des zones urbaines ou rurales, quel que soit leur statut contractuel. La notion du monde du travail s’étend non seulement aux lieux de travail mais aussi aux espaces et situations liés au travail tels que les déplacements professionnelles, formations, évènements et trajets entre le domicile et le lieu de travail[3].

Il intègre aussi un droit de retrait d’une situation de travail présentant un danger imminent et grave pour leur vie, leur santé ou leur sécurité. Il responsabilise les employeurs et promeut la négociation collective comme moyen de prévenir la violence et le harcèlement et d’y remédier. Il oblige enfin les États à prendre des mesures appropriées pour reconnaître les effets de la violence domestique et son impact sur le monde du travail (travail flexible, protection contre les licenciements, sensibilisation aux effets de la violence domestique).  

Le combat fut long et difficile. Il aura fallu plus de dix années pour entériner une première norme internationale sur le droit de chacune à un environnement de travail exempt de violence et de harcèlement. Durant de nombreuses années, le groupe des employeurs à l’OIT et plusieurs gouvernements se sont opposés aux normes contraignantes. L’OIT se limita à adopter en 2009 une « résolution concernant l’égalité entre hommes et femmes au cœur du travail décent » reconnaissant les bases du problème des violences sexistes sans y apporter de réelles solutions. C’est seulement en 2015, après des campagnes acharnées des organisations syndicales et de la société civile que le processus de création de la norme numéro 190 s’est enclenché pour aboutir en 2019.  

Des mobilisations populaires partout dans le monde

Comme pour la plupart des conventions de l’OIT, il faut attendre la ratification d’au moins deux États membres pour que celle-ci rentre en vigueur. L’Uruguay a été le premier pays à ratifier la Convention 190. D’autres pays comme l’Argentine, l’Espagne, l’Italie et la Finlande se sont engagés formellement à le faire. Mais depuis juin 2019, la pression populaire ne faiblit pas. Les mobilisations se succèdent partout dans le monde, dans les usines en Inde ou au Pérou, dans les entreprises en Australie ou en Turquie jusqu’aux camps de réfugiés au Burkina Faso, des femmes et des hommes d’une centaine de pays se sont déjà unis autour d’une cause commune : faire ratifier la convention 190 par tous les gouvernements.

Il faut dire qu’il y a urgence. La pandémie de la Covid-19 accélère la nécessité d’adopter cette norme. En France comme dans le monde, le confinement a contribué à une hausse des violences domestiques, tandis que la récession économique et les pertes d’emplois exercent des pressions supplémentaires sur les travailleurs qui souhaitent désespérément conserver leur emploi quitte à ne pas dénoncer certains abus. Si la France possède un arsenal législatif en matière de violence et harcèlement au travail, cet instrument international apporte quelques améliorations en imposant notamment « des congés, des horaires flexibles et des potentiels changements de lieux de travail pour venir en aide des travailleuses victimes de violences conjugales »[4] des mesures de protection qui n’existent pas à cette heure en droit français. Une coalition de syndicats et d’associations dont la CGT, la CFDT ActionAid Peuples Solidaires et CARE France a publié une lettre le 21 juin appelant le gouvernement français à ratifier la Convention 190 et amorcer les réformes nationales correspondantes.

Ainsi, cette journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes est l’occasion pour les gouvernements du monde entier de prendre enfin des engagements forts pour prévenir les violences et protéger les victimes. En ce sens, la ratification par tous les États membres de la Convention 190 s’attaquant aux comportements inacceptables dans le monde du travail est une nécessité absolue. Il est temps de rendre visible, l’invisible, d’en finir avec la violence et le harcèlement et de bâtir un monde du travail fondé sur la dignité et le respect.


[1] https://www.un.org/fr/events/endviolenceday/

[2] Stop à la violence sexiste au travail – ITUC 14/05/2019

[3] http://www.industriall-union.org/fr/on-la-fait-loit-a-adopte-une-nouvelle-convention-sur-la-violence-et-le-harcelement-au-travail

[4] https://www.liberation.fr/france/2019/06/21/l-oit-adopte-une-convention-internationale-contre-le-harcelement-au-travail_1735288

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Marina Mesure

Syndicalisme international

Marina Mesure is a specialist of social issues. She has worked for several years with organizations defending workers’ rights such as the European Federation of Building and Wood Workers.

She has campaigned against child labor with the International Labor Organization, against social dumping and the criminalization of unionism. As a famous figure in the international trade union world, she considers that the principle of “equal work, equal pay « remain revolutionary: between women and men, between posted and domestic workers, between foreigners and nationals ».

Marina Mesure, especialista en asuntos sociales, ha trabajado durante varios años con organizaciones de derechos de los trabajadores como la Federación Europea de Trabajadores de la Construcción y la Madera.

Llevo varias campañas contra el trabajo infantil con la Organización Internacional del Trabajo, contra el dumping social, y la criminalización del sindicalismo. Es una figura reconocida en el mundo sindical internacional. Considera que el principio de « igual trabajo, igual salario » sigue siendo revolucionario: entre mujeres y hombres, entre trabajadores desplazados y domésticos, entre extranjeros y nacionales « .

Spécialiste des questions sociales, Marina Mesure travaille depuis plusieurs années auprès d’organisations de défense des droits des travailleurs comme la Fédération Européenne des travailleurs du Bâtiment et du Bois.

Elle a mené des campagnes contre le travail des enfants avec l’Organisation internationale du travail, contre le dumping social, la criminalisation du syndicalisme. Figure reconnue dans le monde syndical international, elle considère que le principe de « travail égal, salaire égal » est toujours aussi révolutionnaire : entre les femmes et les hommes, entre les travailleurs détachés et domestiques, entre étrangers et nationaux ».

Sophia Chikirou

Directrice de la publication

Sophia Chikirou is the publisher of Le Monde en commun. Columnist, director of a documentary on the lawfare, she also founded several media such as Le Média TV and the web radio Les Jours Heureux.

Communications advisor and political activist, she has worked and campaigned in several countries. From Ecuador to Spain, via the United States, Mexico, Colombia, but also Mauritania, she has intervened with progressive and humanist movements during presidential or legislative campaigns.

In 2007, she published Ma France laïque (La Martinière Editions).

Sophia Chikirou es directora de la publicación de Le Monde en commun. Columnista, directora de un documental sobre el lawfare, también fundó varios medios de comunicación tal como Le Média TV y la radio web Les Jours Heureux.

Asesora de comunicacion y activista política, ha trabajado y realizado campañas en varios países. Desde Ecuador hasta España, pasando por Estados Unidos, México, Colombia, pero también Mauritania, intervino con movimientos progresistas y humanistas durante campañas presidenciales o legislativas.

En 2007, publicó Ma France laïque por Edicion La Martinière.

Sophia Chikirou est directrice de la publication du Monde en commun. Editorialiste, réalisatrice d’un documentaire sur le lawfare, elle a aussi fondé plusieurs médias comme Le Média TV et la web radio Les Jours Heureux.

Conseillère en communication et militante politique, elle a exercé et milité dans plusieurs pays. De l’Equateur à l’Espagne, en passant par les Etats-Unis, le Mexique, la Colombie, mais aussi la Mauritanie, elle est intervenue auprès de mouvements progressistes et humanistes lors de campagnes présidentielles ou législatives.

En 2007, elle publiait Ma France laïque aux éditions La Martinière.

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