Le bilan est encore incertain au sud de l’enclave espagnole de Melilla où plusieurs centaines de migrants ont tenté vendredi dernier de traverser la frontière depuis le Maroc. Alors que les autorités marocaines évoquaient 23 décès, les décomptes provisoires réalisés par des ONG présentes sur place faisaient grimper le total à 37. Plusieurs associations ont rapidement dénoncé la violence du maintien de l’ordre effectué par les forces de l’ordre marocaines. Gaz lacrymogènes et grenades assourdissantes ont été employés en masse pour tenter de disperser les nombreux migrants tentant de passer au dessus de la barrière. Des mouvements de foule en auraient résulté. Plusieurs vidéos tournées sur les lieux peu de temps après montrent également des membres de la gendarmerie royale marocaine matraquer et frapper des migrants sur le sol par dizaines, exténués, blessés ou décédés.
Pedro Sánchez n’a pas tardé avant de réagir adoptant une posture pour le moins déroutante. S’exprimant dès vendredi depuis Bruxelles sur des événements qui s’étaient déroulés au cours de la matinée, il a tenu à « saluer le travail du gouvernement marocain » dans son aide à la préservation « de l’intégrité territoriale de l’Espagne ». Il en a également profité pour « souligner l’importance d’avoir de bonnes relations avec un partenaire aussi stratégique que le Maroc ». Des commentaires qui ne sont pas sans rappeler le revirement espagnol sur la question du Sahara occidental début avril. Pedro Sánchez avait alors décidé d’un soutien de l’Espagne aux revendications marocaines, mettant fin à plusieurs décennies de neutralité. Un changement de pied adopté alors que Ceuta et Melilla subissaient l’arrivée massive de migrants avec la complaisance des autorités marocaines.
Cette position a reçu en retour des critiques fermes venues de son partenaire de gouvernement Unidas Podemos. Le parti a réclamé l’ouverture d’une enquête indépendante afin de mettre la lumière sur ce qui s’est réellement passé vendredi dernier. Une demande partagée par 50 ONG marocaines et européennes. Dans une tribune, elles dénoncent également les violations répétées des droits humains qui résultent de la politique migratoire actuelle pratiquée par l’Espagne et son partenaire marocain. Elles rappellent que c’est cette politique qui a entraîné une spirale de violence dans la région avec des migrants près à tout pour traverser la frontière.
Pour le moment, les gouvernements espagnol et marocain restent solidaires dans leur prise de position et considèrent que les migrants décédés sont les victimes collatérales d’un trafic d’êtres humains. Un discours à mille lieux d’aborder frontalement ce qui a eu lieu vendredi…