La grande dispersion de l’offre électorale, à droite comme à gauche, pourrait créer la surprise lors des élections présidentielles françaises d’avril. Depuis plusieurs semaines, les sondages décèlent une montée lente mais constante de Jean-Luc Mélenchon, chef de file de la France insoumise (gauche radicale et populiste) et candidat à l’Élysée de la plateforme de l’Union Populaire.
L’ascension de Mélenchon, 70 ans et candidat à la présidentielle pour la troisième fois de sa vie, change le paradigme des élections. Le scénario le plus probable qui a été envisagé jusqu’à présent pour le second tour – et que les sondages privilégient toujours – est un duel entre le président Emmanuel Macron et la candidate d’extrême droite Marine Le Pen, comme en 2017.
Éric Zemmour incarnant ce rival au lieu de Le Pen mènerait au même constat. Tous deux font appel au vote ultra-nationaliste et anti-immigration. On a un temps pensé que la conservatrice Valérie Pécresse (des Républicains) pourrait se qualifier au second tour, mais sa dynamique s’essouffle.
Mélenchon défend une France sortie de l’OTAN, non alignée, et son ambiguïté avec Poutine est pardonnée
Le phénomène Mélenchon s’explique par un vote utile. Les électeurs font preuve d’un pragmatisme qui manque à leurs chefs de file politiques. Il y a six candidatures à gauche. S’ajoutent à Mélenchon, la socialiste Anne Hidalgo, le communiste Fabien Roussel, l’écologiste Yannick Jadot et deux dirigeants d’extrême gauche aux candidatures de témoignage.
Malgré ses élans démagogiques et son cabotinage marqué, Mélenchon a de l’attrait parce qu’il est un bon orateur, vif et cultivé, et qu’il a de l’expérience. Certains sondages le placent déjà troisième au premier tour, avec 14 %, devant Éric Zemmour et Valérie Pécresse, et se rapprochant de Le Pen, qui obtient au maximum 18 %.
Le vert Jadot n’a pas réussi à décoller (il tourne autour des 6 %), en partie pour son opposition à l’énergie nucléaire. C’est une position qui n’est pas très populaire dans le contexte géopolitique actuel, avec la guerre en Ukraine et le besoin d’une autosuffisance énergétique, potentiellement incarnée en France par le puissant secteur de l’atome.
Le communiste Roussel fait une bonne campagne et certains sondages lui donnent 4 %, plus qu’Hidalgo, qui ne dépasse pas 3 %. La maire de Paris risque de devenir la fossoyeuse du Parti socialiste.
S’il atteint le second tour, un pan des électeurs de Marine Le Pen et de Zemmour pourrait soutenir Mélenchon
Dans un tel contexte, Mélenchon apparaît comme une option claire d’alternative totale à Macron. Le candidat de l’Union Populaire a réussi une démonstration de force dimanche, rassemblant des dizaines de milliers de personnes lors d’un meeting dans les rues de Paris. Il ne serait pas surprenant qu’au second tour, une partie des électeurs de Marine Le Pen et de Zemmour soutienne Mélenchon aux seules fins de chasser de l’Élysée Macron le détesté.
L’un des arguments de Mélenchon est de s’opposer à la réforme des retraites annoncée par Macron. Celle-ci vise à relever l’âge de départ de 62 ans actuellement à 65 ans. Le candidat de gauche veut porter le salaire minimum à 1 400 euros par mois. Il ne cache pas que, pour financer son programme coûteux, il devra augmenter les impôts des contribuables ayant plus de revenus.
Le leader de la France insoumise est favorable à la sortie de l’OTAN et à l’application d’une politique internationale du non-alignement
L’ascension de Mélenchon indique que son ambiguïté passée vis-à-vis de Vladimir Poutine ne l’affecte pas. Le leader de la France insoumise est favorable à la sortie de l’OTAN et à l’application d’une politique internationale du non-alignement. Ce genre de messages a toujours son audience en France, malgré la réalité de l’agression russe en Ukraine.
Mélenchon prospère sur les couches de mécontentement comme les anciens gilets jaunes. Pour mieux répondre à leurs attentes, il propose l’amnistie à tous ceux qui ont été condamnés et une indemnisation pour ceux qui ont perdu un œil ou subi d’autres blessures dans la répression policière des manifestations. Le candidat recadre les élections comme un « référendum social » pour éviter la « dérive autoritaire » et le projet ultralibéral renforcé qui serait, selon lui, le résultat d’un deuxième quinquennat pour Macron.