Cet article fait partie du dossier La Paix

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Texte de référence à venir…

Lula : « L’ordre mondial est fini »

L'ancien Président du Brésil, Lula, et son ancien Ministre des Affaires étrangères, appellent à tenir bon face à la destruction des solidarités internationales. Ils refusent l'état de guerre froide et prônent la coopération pour un "véritable multilatéralisme".

Ce texte a été publié le 28 mai 2020 sous le titre "La pandémie et les défis de l’ordre multipolaire: une vision du Sud".

Des vies sont perdues par milliers en une seule journée, aux quatre coins du monde. Les économies, qui se sont à peine remises de la crise financière de la dernière décennie, traversent la crise la plus grave depuis la Grande Dépression des années 30.

Les systèmes politiques sont sous pression, tandis que les dirigeants populistes autoritaires tentent d’utiliser le sentiment d’insécurité engendré par la pandémie pour accroître leur propre pouvoir personnel, affaiblissant ainsi les démocraties déjà fragiles. Certains d’entre eux, de Donald Trump à Jair Bolsonaro, ont adopté une attitude de déni, ignorant les recommandations des scientifiques et des experts de la santé.

Avec cette horrible image en arrière-plan, la coopération internationale a été durement touchée.

Le comportement égoïste de certains dirigeants empêche que ceux qui en ont le plus besoin accèdent aux produits essentiels pour faire face à la pandémie.

Des actes de piraterie pure sont pratiqués par les plus puissants. Dans le même temps, des organisations multilatérales, telles que l’OMS, sont privées de ressources pour de fausses accusations de parti pris politique. Le Conseil de sécurité de l’ONU, l’organe international le plus puissant, n’est pas en mesure de prendre une décision, ni même une recommandation minimale significative, concernant cette tragédie. Les organes informels, tels que le G20, ne peuvent pas surmonter les différences entre leurs membres et ne sont pas en mesure d’approuver un plan d’action pour faire face à la crise.

Tout cela se produit alors que des appels du Secrétaire général de l’ONU et du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme – repris, entre autres, par le pape François – pour la levée des sanctions unilatérales, afin que des nations cibles telles que l’Iran, Cuba et le Venezuela peuvent accéder à des ressources pour acquérir des fournitures médicales essentielles et recevoir une aide humanitaire, sont clairement ignorés. Le multilatéralisme est honteusement abandonné.

En regardant vers l’avenir – et en supposant que le cauchemar actuel prendra fin, mais seulement après d’immenses pertes humaines, en termes de vies et de bien-être -, la phrase qui est souvent entendue au sujet des conséquences de la pandémie est: “le monde ne sera plus jamais le même “. Et en effet, il faut espérer que l’humanité tirera les leçons de cet assaut inattendu d’une entité microscopique qui continue de provoquer la mort et la misère, en particulier pour ceux qui vivent au fond de nos sociétés inégales.

La pandémie a ébranlé les piliers de notre mode de vie et, avec eux, de l’ordre international.

Il semble y avoir un consensus presque universel sur le fait que le système mondial devra être reconstruit de manière très fondamentale. La question est: comment?

Pour de nombreux analystes, nous entrons dans une sorte de “nouvelle guerre froide” – ou pire encore – à cause du soi-disant “Piège de Thucydid”, une expression créée par le diplomate devenu universitaire, Graham Allison, pour indiquer le potentiel de conflit résultant de l’émergence d’une nouvelle superpuissance, défiant celle qui était jusqu’alors dominante.

Selon ce point de vue, le «dépassement» des États-Unis par la Chine, processus qui semblait inévitable avant même la pandémie, va s’accélérer, générant une grande instabilité. Dans le même temps, de nombreux gouvernements et les peuples qu’ils représentent, méfiants d’une mondialisation effrénée, fondée sur la recherche brutale du profit – principalement du capital financier – seront tentés de plonger dans une sorte d’isolationnisme, sceptiques quant à la valeur de la coopération internationale.

L’humanité peut entrer dans une nouvelle ère de “guerre de tous contre tous”, avec d’énormes risques pour la sécurité et la prospérité de l’humanité. Un monde déjà extrêmement inégal le deviendra encore plus, entraînant toutes sortes de conflits sociaux et de bouleversements. Dans ce contexte, le recours unilatéral à la force armée peut devenir encore plus fréquent, ce qui nuit davantage au dialogue et à la coopération pacifique.

Il ne doit pas en être obligatoirement ainsi. Les nations et les individus peuvent devenir moins dominés par l’arrogance et comprendre le besoin de solidarité et d’humilité pour faire face aux défis posés par la nature et les actions (ou inactions) des êtres humains eux-mêmes. Il n’est pas impossible – il est d’ailleurs impératif – qu’un certain nombre d’États ou d’entités supranationales, comme une Union européenne née à nouveau, et des institutions pour l’intégration des pays en développement d’Amérique latine, d’Afrique et d’Asie (qui devront être renforcées ou recréées), rechercher des alliances et des partenariats afin de contribuer à la création d’un monde multipolaire, à l’abri de l’hégémonie unilatérale et de la stérilité des affrontements bipolaires.

De telles alliances, construites avec une «géométrie variable», permettraient de refonder l’ordre multilatéral, sur les principes d’un véritable multilatéralisme, selon lequel la coopération internationale peut effectivement s’épanouir.

Dans ce scénario, la Chine, les États-Unis et la Russie peuvent être convaincus que le dialogue et la coopération sont plus bénéfiques que la guerre (froide ou non).

Cela ne se produira cependant que lorsque des pays individuels, en particulier ceux qui sont en mesure d’exercer un leadership naturel non hégémonique, trouveront des moyens de démocratiser leurs propres systèmes politiques, devenant plus capables de répondre aux besoins de leur peuple, en particulier des ses secteurs les plus vulnérables. La justice sociale et le gouvernement démocratique doivent aller de pair.

Il peut sembler utopique de penser en ces termes à un moment aussi aride de l’histoire, lorsque la civilisation elle-même semble en danger. Cependant, pour ceux d’entre nous qui croient en la capacité humaine de trouver des réponses créatives à toutes sortes de défis inattendus, sonner utopique n’est pas un obstacle à l’action collective. Cela ne doit pas non plus nous faire abandonner et désespérer.


Luiz Inácio Lula da Silva est l’ancien président du Brésil (2003-2010).

Celso Amorim est un ancien ministre des Affaires étrangères du Brésil (1993-1994; 2003-2010).


Lula: « The world order is over. »

Former President Lula of Brazil and his former Foreign Minister call to stand firm in the face of the destruction of international solidarity. They reject any cold-war-like situation and advocate cooperation to achieve « genuine multilateralism ».

This text was published on May 28th, 2020 under the title « The pandemic and the challenges of the multipolar order: a vision from the South ».

Every single day, thousands of people die around the world. The economies, which have barely recovered from the financial crisis of the past decade, are going through the most severe crisis since the Great Depression in the 1930s.

Political systems are under pressure, while authoritarian populist leaders are trying to use the sense of insecurity caused by the pandemic to increase their own personal power, thereby weakening already fragile democracies. Some of them, from Donald Trump to Jair Bolsonaro, have adopted an attitude of denial, ignoring the recommendations of scientists and health experts.

In this appalling context, international cooperation has been hit hard.

The selfish behaviour of some leaders is preventing those who need it most from accessing goods essential to cope with the pandemic.

Lula


Acts of pure piracy are being carried out by the most powerful. At the same time, multilateral organisations, such as the WHO, are being deprived of resources on false allegations of political bias. The UN Security Council, the most powerful international body, is not in a position to make a decision, nor even a meaningful minimum recommendation, regarding this tragedy. Informal bodies, such as the G20, cannot overcome the differences among their members and are not in a position to approve any action plan to deal with the crisis.

All this is happening while calls by the United Nations Secretary-General and the Office of the United Nations High Commissioner for Human Rights – echoed, inter alia, by Pope Francis – for the lifting of unilateral sanctions so that target nations such as Iran, Cuba and Venezuela can access resources to acquire essential medical supplies, and receive humanitarian assistance again, are clearly being ignored. Multilateralism is being shamefully abandoned.

Looking to the future – and assuming that the current nightmare will end, but only after a high death toll and a drop in living standards – the phrase that is often heard regarding the consequences of the pandemic is : « the world will never be the same again ». And indeed, let us hope that this unexpected assault by a microscopic creature, which continues to cause death and misery, especially for those living at the bottom of our unequal societies, will serve as a lesson to humanity.

The pandemic has shaken the pillars of our way of life and with them, those of the international order.

Lula


There seems to be an almost universal consensus about the fact that the world system will have to be rebuilt in a very fundamental way. The question is: how?

For many analysts, we are entering a kind of « new cold war » – or even worse – because of the so-called « Thucydides Trap », a phrase coined by diplomat turned academic, Graham T. Allison, to indicate the potential for conflict resulting from the emergence of a new superpower, challenging the hitherto dominant one.

According to this view, China’s « overtaking » the United States, a process that seemed unavoidable even before the pandemic, will accelerate, causing great instability. At the same time, many governments and the people they represent, distrustful of such unbridled globalisation based on the brutal pursuit of profit – mainly financial capital – will be tempted to revert to a kind of isolationism, having become sceptical about the value of international cooperation.

Humanity may enter a new era of « war of all against all », with enormous risks for the security and prosperity of mankind. A world that is already extremely unequal will become even more so, leading to all kinds of social conflicts and upheavals. In this context, the unilateral use of armed forces may occur even more frequently, further undermining dialogue and peaceful cooperation.

This needs not be necessarily so. Nations and individuals can become less dominated by arrogance and understand the need for solidarity and humility in order to face the challenges posed by nature as well as the actions (or inactions) of human beings themselves. It is not impossible – actually, it is imperative – that a number of States or supranational entities, such as a reborn European Union and institutions for the integration of developing countries in Latin America, Africa and Asia (which may need to be strengthened or rebuilt), seek alliances and partnerships in order to contribute to the creation of a multipolar world, free from any unilateral hegemony and from the sterility of bipolar confrontations.

Such alliances, built with « variable geometry », would make it possible to rebuild the multilateral order around the principles of true multilateralism, which would enable international cooperation to really flourish.

Lula

In this scenario, China, the United States and Russia can be convinced that dialogue and cooperation are more beneficial than war (be it cold or not).

This will only happen however, when individual countries, especially those which are in a natural position to exercise non-hegemonic leadership, will find ways to democratise their own political systems, in order better to address the needs of their people, especially those of the most vulnerable. Social justice and democratic government ought to go hand in hand.

It may seem utopian to think in these terms at such a tough moment in history, when civilisation itself seems to be in jeopardy. However, for those of us who believe in the human ability to find creative responses to all kinds of unexpected challenges, sounding utopian is no obstacle to collective action. Nor should it make us give up and despair.

Luiz Inácio Lula da Silva is the former President of Brazil (2003-2010).
Celso Amorim is a former Foreign Minister of Brazil (1993-1994; 2003-2010).

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Marina Mesure

Syndicalisme international

Marina Mesure is a specialist of social issues. She has worked for several years with organizations defending workers’ rights such as the European Federation of Building and Wood Workers.

She has campaigned against child labor with the International Labor Organization, against social dumping and the criminalization of unionism. As a famous figure in the international trade union world, she considers that the principle of “equal work, equal pay « remain revolutionary: between women and men, between posted and domestic workers, between foreigners and nationals ».

Marina Mesure, especialista en asuntos sociales, ha trabajado durante varios años con organizaciones de derechos de los trabajadores como la Federación Europea de Trabajadores de la Construcción y la Madera.

Llevo varias campañas contra el trabajo infantil con la Organización Internacional del Trabajo, contra el dumping social, y la criminalización del sindicalismo. Es una figura reconocida en el mundo sindical internacional. Considera que el principio de « igual trabajo, igual salario » sigue siendo revolucionario: entre mujeres y hombres, entre trabajadores desplazados y domésticos, entre extranjeros y nacionales « .

Spécialiste des questions sociales, Marina Mesure travaille depuis plusieurs années auprès d’organisations de défense des droits des travailleurs comme la Fédération Européenne des travailleurs du Bâtiment et du Bois.

Elle a mené des campagnes contre le travail des enfants avec l’Organisation internationale du travail, contre le dumping social, la criminalisation du syndicalisme. Figure reconnue dans le monde syndical international, elle considère que le principe de « travail égal, salaire égal » est toujours aussi révolutionnaire : entre les femmes et les hommes, entre les travailleurs détachés et domestiques, entre étrangers et nationaux ».

Sophia Chikirou

Directrice de la publication

Sophia Chikirou is the publisher of Le Monde en commun. Columnist, director of a documentary on the lawfare, she also founded several media such as Le Média TV and the web radio Les Jours Heureux.

Communications advisor and political activist, she has worked and campaigned in several countries. From Ecuador to Spain, via the United States, Mexico, Colombia, but also Mauritania, she has intervened with progressive and humanist movements during presidential or legislative campaigns.

In 2007, she published Ma France laïque (La Martinière Editions).

Sophia Chikirou es directora de la publicación de Le Monde en commun. Columnista, directora de un documental sobre el lawfare, también fundó varios medios de comunicación tal como Le Média TV y la radio web Les Jours Heureux.

Asesora de comunicacion y activista política, ha trabajado y realizado campañas en varios países. Desde Ecuador hasta España, pasando por Estados Unidos, México, Colombia, pero también Mauritania, intervino con movimientos progresistas y humanistas durante campañas presidenciales o legislativas.

En 2007, publicó Ma France laïque por Edicion La Martinière.

Sophia Chikirou est directrice de la publication du Monde en commun. Editorialiste, réalisatrice d’un documentaire sur le lawfare, elle a aussi fondé plusieurs médias comme Le Média TV et la web radio Les Jours Heureux.

Conseillère en communication et militante politique, elle a exercé et milité dans plusieurs pays. De l’Equateur à l’Espagne, en passant par les Etats-Unis, le Mexique, la Colombie, mais aussi la Mauritanie, elle est intervenue auprès de mouvements progressistes et humanistes lors de campagnes présidentielles ou législatives.

En 2007, elle publiait Ma France laïque aux éditions La Martinière.

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