Cet article fait partie du dossier de la Révolution citoyenne

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Les colonisés et esclavagisés ont résisté, depuis toujours

Le Monde diplomatique nous offre des occasions rares ailleurs d'apprendre et de comprendre, parfois de changer de regard. Dans cet article de Matthieu Renault, on découvre Cyril Lionel Robert James, originaire de l’île de la Trinité, et son engagement anticolonial. Il illustre parfaitement la convergence des luttes sociales et des luttes antiracistes.

Ce texte a été publié en janvier 2015 sous le titre « Le nègre docile est un mythe ».

Qui, en Europe, connaît C. L. R. James? Engagé dès les années 1930 dans les luttes anticoloniales, il fut aussi un militant socialiste. Au croisement des questions raciales et sociales, son œuvre explore en profondeur une dimension que nombre d’intellectuels semblent découvrir depuis peu.

Octobre 1935. L’Italie de Benito Mussolini envahit l’Éthiopie.

A Londres, un groupe de migrants caribéens et africains se mobilise et fonde une organisation, l’International African Friends of Abyssinia, laquelle cède bientôt la place à l’International African Service Bureau, qui milite contre l’impérialisme européen en Afrique.

Et publie un journal, International African Opinion, dont le rédacteur en chef, Cyril Lionel Robert James, originaire de l’île de la Trinité, est par ailleurs une figure montante du mouvement trotskiste britannique. Se remémorant ces années, il écrit en 1976 :

«Nous étions en contact étroit avec les membres de la gauche du Parti travailliste et d’autres organisations de gauche (…). Ils venaient à nos réunions. Nous allions aux leurs (1).» Dix ans plus ans tard, il se confie à nouveau dans un entretien : «J’allais parler pour le mouvement trotskiste, puis je marchais une centaine de mètres vers l’endroit où le mouvement noir se réunissait. Il y avait toujours des plaisanteries à ce propos, j’y étais habitué (2).»

On pense parfois que les mouvements militants «blancs» ne se confrontent que depuis quelques décennies aux revendications de minorités immigrées ou postcoloniales, qui demandent l’intégration de leur cause au nombre des priorités politiques des organisations de gauche et d’extrême gauche, exigent de parler en leur nom propre et défendent leur autonomie. Il suffit pourtant de se reporter aux grands épisodes révolutionnaires des siècles passés pour voir qu’il n’en est rien : la Révolution française trouva son prolongement dans la révolte des esclaves de Saint-Domingue, qui aboutit à l’indépendance d’Haïti en 1804; la guerre civile américaine, cette «seconde révolution», fut étroitement liée non seulement à la lutte pour l’abolition de l’esclavage, mais aussi au mouvement des esclaves eux-mêmes pour leur liberté, comme l’a montré le sociologue William Edward Burghardt Du Bois dans Black Reconstruction; la révolution de 1917, enfin, s’accompagna d’une «révolution coloniale» aux marges de l’Empire russe (3).

Théoricien anticolonial et militant de la libération de l’Afrique, penseur marxiste de premier plan et acteur des luttes ouvrières en Europe comme aux Etats-Unis, James est une figure centrale de cette histoire révolutionnaire proprement mondiale. Intellectuel hétérodoxe, il fut aussi un grand amateur et spécialiste du cricket.

En 1938, il publie Les Jacobins noirs, une histoire de la révolution haïtienne. S’il affirme que cette dernière est rendue possible par l’explosion préalable des énergies et des idées révolutionnaires dans la métropole, il n’en fait nullement un simple appendice de la Révolution française. D’une part, elle en marque l’approfondissement par distension radicale des idéaux de liberté au-delà des frontières de l’Europe. D’autre part, le système esclavagiste préfigure, en miniature, la transformation des rapports de classe à l’échelle mondiale et annonce les révolutions à venir : les esclaves «vivaient et travaillaient par groupes de plusieurs centaines dans les grandes manufactures sucrières et se rapprochaient par là du prolétariat moderne, beaucoup plus que toutes les autres catégories d’ouvriers de cette époque (4)». Ce n’est donc pas tant sur le modèle de la diffusion des idées révolutionnaires du centre à la périphérie qu’il faut concevoir les relations entre ces «deux» révolutions que sur celui du branchement, du phasage entre des luttes enchevêtrées mais néanmoins autonomes l’une à l’égard de l’autre. Chez James, comme l’écrit l’intellectuel Edward Said, «les événements de France et d’Haïti s’entrecroisent et se répondent comme des voix dans une fugue (5)».

James prolonge cette thèse de la combinaison et de l’intensification mutuelle des luttes à propos de la «question noire» aux Etats-Unis, qu’il s’attache à (ré)inscrire dans une histoire transnationale des révoltes panafricaines : «L’histoire révolutionnaire des nègres est riche, stimulante et méconnue. (…) Le nègre docile est un mythe.» Or les luttes noires passées éclairent la nature de leur combat présent. Elles révèlent que la participation des Noirs américains à la révolution socialiste a pour condition, aussi paradoxal que cela puisse paraître, la préservation de l’autonomie de leurs revendications, «l’approfondissement et l’élargissement de leurs luttes indépendantes (6)».

D’un point de vue théorique et stratégique, un tel branchement des luttes repose sur un processus non pas d’application, ni même d’adaptation des idées et pratiques à des contextes particuliers, mais de traduction. James l’affirme en premier lieu à propos de l’exportation du marxisme aux États-Unis :

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Marina Mesure

Syndicalisme international

Marina Mesure is a specialist of social issues. She has worked for several years with organizations defending workers’ rights such as the European Federation of Building and Wood Workers.

She has campaigned against child labor with the International Labor Organization, against social dumping and the criminalization of unionism. As a famous figure in the international trade union world, she considers that the principle of “equal work, equal pay « remain revolutionary: between women and men, between posted and domestic workers, between foreigners and nationals ».

Marina Mesure, especialista en asuntos sociales, ha trabajado durante varios años con organizaciones de derechos de los trabajadores como la Federación Europea de Trabajadores de la Construcción y la Madera.

Llevo varias campañas contra el trabajo infantil con la Organización Internacional del Trabajo, contra el dumping social, y la criminalización del sindicalismo. Es una figura reconocida en el mundo sindical internacional. Considera que el principio de « igual trabajo, igual salario » sigue siendo revolucionario: entre mujeres y hombres, entre trabajadores desplazados y domésticos, entre extranjeros y nacionales « .

Spécialiste des questions sociales, Marina Mesure travaille depuis plusieurs années auprès d’organisations de défense des droits des travailleurs comme la Fédération Européenne des travailleurs du Bâtiment et du Bois.

Elle a mené des campagnes contre le travail des enfants avec l’Organisation internationale du travail, contre le dumping social, la criminalisation du syndicalisme. Figure reconnue dans le monde syndical international, elle considère que le principe de « travail égal, salaire égal » est toujours aussi révolutionnaire : entre les femmes et les hommes, entre les travailleurs détachés et domestiques, entre étrangers et nationaux ».

Sophia Chikirou

Directrice de la publication

Sophia Chikirou is the publisher of Le Monde en commun. Columnist, director of a documentary on the lawfare, she also founded several media such as Le Média TV and the web radio Les Jours Heureux.

Communications advisor and political activist, she has worked and campaigned in several countries. From Ecuador to Spain, via the United States, Mexico, Colombia, but also Mauritania, she has intervened with progressive and humanist movements during presidential or legislative campaigns.

In 2007, she published Ma France laïque (La Martinière Editions).

Sophia Chikirou es directora de la publicación de Le Monde en commun. Columnista, directora de un documental sobre el lawfare, también fundó varios medios de comunicación tal como Le Média TV y la radio web Les Jours Heureux.

Asesora de comunicacion y activista política, ha trabajado y realizado campañas en varios países. Desde Ecuador hasta España, pasando por Estados Unidos, México, Colombia, pero también Mauritania, intervino con movimientos progresistas y humanistas durante campañas presidenciales o legislativas.

En 2007, publicó Ma France laïque por Edicion La Martinière.

Sophia Chikirou est directrice de la publication du Monde en commun. Editorialiste, réalisatrice d’un documentaire sur le lawfare, elle a aussi fondé plusieurs médias comme Le Média TV et la web radio Les Jours Heureux.

Conseillère en communication et militante politique, elle a exercé et milité dans plusieurs pays. De l’Equateur à l’Espagne, en passant par les Etats-Unis, le Mexique, la Colombie, mais aussi la Mauritanie, elle est intervenue auprès de mouvements progressistes et humanistes lors de campagnes présidentielles ou législatives.

En 2007, elle publiait Ma France laïque aux éditions La Martinière.

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