Dans quelques semaines, le Brésil connaîtra son neuvième scrutin présidentiel depuis la fin de la dictature militaire et, pour la première fois depuis 1988, il y a un grand risque que le suffrage populaire ne soit pas entendu et respecté.
Depuis plusieurs années, le président Jair Bolsonaro prévoit de contester son éventuelle défaite en discréditant le système électoral brésilien. Il accuse les juges des tribunaux supérieurs d’être corrompus et partisans, prédit que les votes seront falsifiés, soupçonne les médias d’être au service du camp adverse. Inspiré par la stratégie de Donald Trump, le président brésilien mobilise ses partisans en se présentant comme une victime, persécuté par un establishment vendu à la gauche, et comme l’unique sauveur et rédempteur de la nation. Il diabolise ses adversaires et les désigne comme des ennemis. Ce faisant, il prépare les militants, pour beaucoup armés, à la violence politique et même à l’insurrection.
Cette dérive n’a rien d’étonnant chez un personnage ouvertement nostalgique de la dictature militaire et plein de mépris pour des institutions républicaines, le pluralisme politique et l’état de droit. Pourtant aujourd’hui c’est en tant que chef de l’exécutif et commandant en chef des forces armées qu’il prononce ces diatribes extrémistes, alors que quatre années de pouvoir ont radicalisé sa base militante. Nul coup d’État n’a jamais été autant annoncé.
Aujourd’hui la démocratie au Brésil a besoin du soutien et de la vigilance du monde. Que la constitution et le suffrage populaire y soient respectées est notre responsabilité commune.
Le destin d’un pays de dimension continentale, avec une population de plus de 212 millions d’habitants, un patrimoine environnemental d’une importance cruciale pour l’avenir de la planète et un rôle majeur dans l’économie et la gouvernance mondiales, est une question dont les conséquences vont bien au-delà des frontières du Brésil. La force de la démocratie brésilienne et le respect de l’État de droit, des droits de l’homme, de l’environnement, des droits des peuples autochtones et d’autres groupes marginalisés sont des questions qui nous concernent tous et, en tant que telles, font l’objet de notre attention et de notre solidarité légitimes. La démocratie de cet immense pays est notre bien commun et nous ne pouvons rester simples spectateurs.
L’heure est venue de soulever un puissant mouvement de solidarité internationale en défense du processus démocratique au Brésil.
C’est la raison pour laquelle nous, intellectuelles et intellectuels, femmes et hommes politiques, artistes, militantes et militants, citoyennes et citoyens, appelons à exiger :
- Que les élections présidentielles au Brésil se déroulent selon les termes de la Constitution ;
- Que soit condamnée et combattue toute menace et toute violence à l’égard des candidats et de leurs partisans ;
- Que les institutions républicaines soient maintenues dans leurs attributions et leurs décisions respectées ;
- Que les forces armées ne s’immiscent ni dans le processus électoral, ni dans le décompte des résultats, ni dans la transmission du pouvoir.
La démocratie est un bien précieux et fragile, dont nous sommes toutes et tous garants. En cette année où le Brésil célèbre le bicentenaire de son indépendance, son défi historique reste celui de défendre un pays démocratique, pluriel et inclusif. La démocratie brésilienne est aussi la nôtre et la solidarité internationale ne doit pas être un mot vide.
Ont déjà signé
Baltazar Garzon – Judge, Spain
Danny Glover – Actor/Citizen, USA
Eric Fassin – Univeristy of Paris, 8, France
Estela de Carlotto – President, Grandmothers of the Plaza de Mayo
Eugenio Raul Zaffaroni – Ex-Minister of the Supreme Court of Argentina, 2003-2014, since 2015, Judge of the Inter-American Human Rights Court
Gerardo Pisarello – Joint Member of Parliament, First Secretary of the Congress of Deputies of Spain, Podemos, Spain
Guillaume Long – CAF Advisory Board, Ecuador, Former Foreign Minister
Idoia Villanueva – Member of the European Parliament, Podemos and International Secretary of Podemos, Spain
International Committee – Democratic Socialists of America
Ione Bellara – Minister for Social Rights, Podemos, Spain
Jean-Luc Mélenchon – Founder of the La France Insoumise Movement, France
Juan Carlos Monedero – Podemos, Spain
Noam Chomsky – University of Arizona, USA
Olivier Compagnon – Institute of Advanced Studies on Latin America, Sorbonne Nouvelle University, Paris, France
Pablo Iglesias – Podemos, Spain, Former Vice-President
Pierre Salama – Seine-Saint-Denis District Council Member
Rodolfo Nin – Ex-Vice President and Ex-Chancellor, Uruguay
Roger Water – Musician, singer-songwriter and composer, United Kingdom
Sílvia Capanema – University of Sorbonne, Paris North, France
William Bourdon – CAF Network, France