Ratant de peu la deuxième position lors de l’élection présidentielle d’avril, Jean-Luc Mélenchon s’est donné pour mission de remporter la majorité aux élections législatives françaises. Une façon de devenir Premier ministre et de « bousculer le système ». Cela peut sembler improbable, pourtant sa coalition est au coude à coude dans les sondages avec celle de Monsieur Macron.
Les électeurs sont appelés à voter les 12 et 19 juin, afin d’élire à l’issue des deux tours 577 députés. Pour former un gouvernement majoritaire, le parti en tête a besoin de 289 sièges.
M. Mélenchon a donc formé une alliance de la gauche, la NUPES, rassemblant La France insoumise (sa propre formation politique), les socialistes, les écologistes et les communistes.
« NUPES » signifie « Nouvelle Union Populaire écologique et sociale », et défie le bloc du président Macron nommé « Ensemble ! ».
Le Rassemblement national et sa dirigeante d’extrême droite Marine Le Pen est loin derrière les deux protagonistes en tête dans les sondages, mais devant le groupe de la droite historique.
Du marxisme à l’opposition radicale
Jean-Luc Mélenchon a mis de côté une carrière dans l’enseignement et le journalisme pour la politique de gauche dans les années 1970. Il a brièvement occupé le poste de ministre délégué à l’Enseignement professionnel sous le gouvernement du Premier ministre socialiste Lionel Jospin. Toutefois, au début des années 2000, la désillusion le frappe face à ce qu’il considère comme une dérive du socialisme vers la droite.
Il devient eurodéputé par le biais d’un nouveau parti de gauche en 2009. Mais ce n’est qu’en formant La France insoumise qu’il progresse sur la scène politique, remportant 19,6% des suffrages à l’élection présidentielle de 2017.
Il fait mieux lors de l’élection présidentielle d’avril 2022, obtenant 21,95% des voix en attirant une large part des électeurs de gauche et en battant de peu Marine Le Pen, sa rivale d’extrême droite, pour l’accès au second tour face à Macron.
Dans la foulée, il annonce son intention de diriger le gouvernement et adopte le slogan « Mélenchon Premier ministre ». De son côté, Macron insiste que c’est à lui que revient le droit de nommer son Premier ministre : « Aucun parti politique ne peut imposer un nom au Président ».
Ce que réclame la NUPES
Pendant la présidence Macron, le leader d’extrême gauche s’est opposé à sa politique et a soutenu la mobilisation des gilets jaunes contre les inégalités économiques, tirant le meilleur parti des 17 députés de son parti à l’Assemblée nationale. Il a dû repousser quelques critiques vis-à-vis de sa position favorable à la sortie de l’OTAN, une question sur laquelle ses nouveaux partenaires ne sont pas unanimes.
La NUPES a proposé 650 mesures pour gouverner la France, ainsi que 33 nuances politiques – environ 5 % du programme. Jean-Luc Mélenchon souligne que « l’idée n’est pas d’aboutir à une fusion idéologique ».
En bref, ils réclament :
- Abaissement de l’âge de départ à la retraite à 60 ans.
- La hausse du salaire minimum (SMIC) d’environ 15 % à 1 500 € par mois.
- Le retour de l’ISF, impôt sur la fortune des personnes et des entreprises.
- Le blocage des prix des produits de première nécessité.
Les partis ont quelques opinions contrastées, par exemple sur l’Union européenne qui est fortement soutenue par les verts et les socialistes, mais moins par les deux autres partis.
Mais ils ont aussi attiré le soutien d’économistes de renom, dont Thomas Piketty, qui loue l’accent mis sur la justice sociale et fiscale. De son côté le think thank libéral iFrap prédit une croissance négative et de l’inflation si ce programme venait à s’appliquer, malgré la création d’un million d’emplois.
Emmanuel Macron n’est pas impressionné par la politique de ce bloc de gauche : « Le programme cite 20 fois le mot ‘taxation’ et 30 fois le mot ‘interdiction’, ce qui vous donne une idée assez précise de l’esprit de leur programme. » [Un commentaire qui masque opportunément les mesures – principalement écologistes – qui se cachent derrière ces termes, NDLR].
Que pourraient-ils réussir ?
S’ils privent le président Macron d’une majorité absolue, c’est déjà une réussite de leur stratégie. Ils ont de fortes chances d’empêcher Ensemble ! d’atteindre le nombre requis de 289 sièges.
Sans majorité, le gouvernement Macron aurait beaucoup plus de mal à faire adopter des textes législatifs sans le soutien de l’opposition.
La coalition centriste d’Emmanuel Macron a remporté 350 sièges après sa première victoire présidentielle en 2017, mais les sondages prédisent cette fois qu’elle pourrait remporter entre 260 et 300 sièges. Un faible taux de participation, probable au premier tour, ajoute à l’incertitude. Mais la NUPES vise plus loin et souhaite obtenir le contrôle du gouvernement, ce qui nécessiterait sa propre majorité absolue. Cela signifierait une cohabitation avec un président issu d’un autre parti, du jamais vu depuis Jacques Chirac en 2002. Un tel succès défierait les pronostiques.