Ces trois députés européens sont poursuivis par la justice espagnole pour avoir organisé un référendum sur l’indépendance de la Catalogne en octobre 2017. Plus précisément, ils sont poursuivis pour les crimes de sédition (une peine qui n’existe que dans le code pénal espagnol), rébellion, désobéissance, et pour malversation de fonds publics afin d’organiser le scrutin. Fin 2019, neuf dirigeants restés en Espagne ont été condamnés à des peines de 9 à 13 ans de prison sur ce même dossier.
La procédure a été dénoncée aussi bien par l’Organisation des Nations Unies qu’Amnesty international ou encore la Fédération Internationale pour les Droits Humains. Jusqu’à 13 ans de prison pour avoir organisé un référendum, c’est ce qui attend ces trois eurodéputés dont l’immunité a été levée.
La question ici n’est pas celle de savoir si la Catalogne doit ou non être indépendante. L’enjeu concerne le respect de l’état de droit par les Etats membres de l’Union européenne. La question est de savoir si des élus peuvent être poursuivis pour des actions qu’ils mènent dans un cadre democratique. C’est pour cela que les statuts du Parlement européen prévoient une immunité parlementaire. Cette immunité ne confère bien évidemment pas un passe-droit qui permettrait d’échapper à la justice (c’est d’ailleurs pour cela que les statuts du Parlement européen prévoient que l’immunité d’un député puisse être levée). Cette immunité doit en revanche permettre aux députés d’exercer librement leur mandat sans s’exposer à des poursuites de nature arbitraire ou politique. Ce qui est manifestement le cas pour les trois élus catalans.
Par différents jugements, la justice espagnole a montré qu’elle n’a pas encore complètement rompu avec l’héritage du franquisme. La condamnation du rappeur Pablo Hasel a deux ans et demi de prison pour les paroles de ses chansons est venue le rappeler. La justice belge a également rejeté la demande d’extradition de Lluis Puig, l’ancien ministre de la Culture de l’ex-gouvernement indépendantiste catalan réfugié en Belgique, parce qu’elle considérait qu’il existait un « risque sérieux de violation » de son « droit à un procès équitable » en Espagne.
Alors que les condamnations de Lula viennent d’être annulées, cette levée d’immunité résonne tristement : le Parlement européen décide de donner carte blanche aux dérives autoritaires et antidémocratiques qui peuvent exister au sein des États membres. Demain, un pays européen pourrait donc décider unilatéralement d’emprisonner pour des raisons politiques une personne démocratiquement élue. Une défaite morale et politique pour l’Union européenne car la criminalisation des opposants politiques sert toujours les intérêts d’un ordre social antidémocratique.
Le combat est loin d’être fini.
La lutte va continuer au niveau de la justice écossaise pour Ponsati, et belge pour Puigdemont et Comin. Pour le moment, celle-ci refuse de livrer des élus catalans à la justice espagnole.
Les députés européens catalans vont également déposer une requête à la Cour de justice de l’Union européenne car cette levée d’immunité se fait en violation des règles du Parlement européen. En effet, le règlement du Parlement stipule que s’il y a une persécution politique dont le but est d’empêcher l’activité politique de l’élu, la demande de levée de l’immunité doit être rejetée. Or il est clair qu’avec cette utilisation de la justice, les autorités espagnoles instrumentalisent la justice pour régler des différends politiques. Elles n’ont qu’un but : empêcher l’activité politique des ces élus en en faisant des prisonniers politiques.
Il y a un an, je m’étais rendu à la prison de Lledoners en Catalogne pour échanger avec Oriol Junqueras, Raül Romeva et d’autres responsables catalans emprisonnés, pour leur apporter mon soutien, celui de La Gauche au Parlement européen ainsi que celui de la France insoumise. Je leur avais adressé mon soutien et je leur avais dit ma volonté que les prisonniers politiques soient libérés. Mes collègues eurodéputés élus comme moi démocratiquement doivent continuer de siéger à mes côtés au Parlement européen. Leur place est là-bas et non en prison.
On ne peut régler un conflit politique par la judiciarisation. Il en va du respect de la démocratie et des droits fondamentaux de l’ensemble des citoyens de cette planète.