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🔴 Jour noir pour la démocratie en Europe par Leïla Chaibi

Le mardi 9 mars restera gravé comme une journée noire pour la démocratie et l’État de droit en Europe. Ce jour-là, le Parlement européen a voté la levée d’immunité de trois eurodéputés catalans : Tomi Comin, Carla Ponsati et Carles Puigdemont.

Cette article inédit a été rédigé par l'eurodéputée insoumise Leïla Chaibi, le 10 mars 2021. La photo d'illustration a été prise par Stéphane Burlot.

Ces trois députés européens sont poursuivis par la justice espagnole pour avoir organisé un référendum sur l’indépendance de la Catalogne en octobre 2017. Plus précisément, ils sont poursuivis pour les crimes de sédition (une peine qui n’existe que dans le code pénal espagnol), rébellion, désobéissance, et pour malversation de fonds publics afin d’organiser le scrutin. Fin 2019, neuf dirigeants restés en Espagne ont été condamnés à des peines de 9 à 13 ans de prison sur ce même dossier. 

La procédure a été dénoncée aussi bien par l’Organisation des Nations Unies qu’Amnesty international ou encore la Fédération Internationale pour les Droits Humains. Jusqu’à 13 ans de prison pour avoir organisé un référendum, c’est ce qui attend ces trois eurodéputés dont l’immunité a été levée. 

La question ici n’est pas celle de savoir si la Catalogne doit ou non être indépendante. L’enjeu concerne le respect de l’état de droit par les Etats membres de l’Union européenne. La question est de savoir si des élus peuvent être poursuivis pour des actions qu’ils mènent dans un cadre democratique. C’est pour cela que les statuts du Parlement européen prévoient une immunité parlementaire. Cette immunité ne confère bien évidemment pas un passe-droit qui permettrait d’échapper à la justice (c’est d’ailleurs pour cela que les statuts du Parlement européen prévoient que l’immunité d’un député puisse être levée). Cette immunité doit en revanche permettre aux députés d’exercer librement leur mandat sans s’exposer à des poursuites de nature arbitraire ou politique. Ce qui est manifestement le cas pour les trois élus catalans. 

Par différents jugements, la justice espagnole a montré qu’elle n’a pas encore complètement rompu avec l’héritage du franquisme. La condamnation du rappeur Pablo Hasel a deux ans et demi de prison pour les paroles de ses chansons est venue le rappeler. La justice belge a également rejeté la demande d’extradition de Lluis Puig, l’ancien ministre de la Culture de l’ex-gouvernement indépendantiste catalan réfugié en Belgique, parce qu’elle considérait qu’il existait un « risque sérieux de violation » de son « droit à un procès équitable » en Espagne.

Conservateurs, socialistes et libéraux de Renew se sont donc donnés la main dans leur grande majorité pour livrer trois élus aux poursuites politiques d’une justice espagnole instrumentalisée. Et cela dans le cadre d’une procédure initiée par un parti d’extrême-droite. 

Alors que les condamnations de Lula viennent d’être annulées, cette levée d’immunité résonne tristement : le Parlement européen décide de donner carte blanche aux dérives autoritaires et antidémocratiques qui peuvent exister au sein des États membres. Demain, un pays européen pourrait donc décider unilatéralement d’emprisonner pour des raisons politiques une personne démocratiquement élue. Une défaite morale et politique pour l’Union européenne car la criminalisation des opposants politiques sert toujours les intérêts d’un ordre social antidémocratique.

Le combat est loin d’être fini. 

La lutte va continuer au niveau de la justice écossaise pour Ponsati, et belge pour Puigdemont et Comin. Pour le moment, celle-ci refuse de livrer des élus catalans à la justice espagnole. 

Les députés européens catalans vont également déposer une requête à la Cour de justice de l’Union européenne car cette levée d’immunité se fait en violation des règles du Parlement européen. En effet, le règlement du Parlement stipule que s’il y a une persécution politique dont le but est d’empêcher l’activité politique de l’élu, la demande de levée de l’immunité doit être rejetée. Or il est clair qu’avec cette utilisation de la justice, les autorités espagnoles instrumentalisent la justice pour régler des différends politiques. Elles n’ont qu’un but : empêcher l’activité politique des ces élus en en faisant des prisonniers politiques.

Il y a un an, je m’étais rendu à la prison de Lledoners en Catalogne pour échanger avec Oriol Junqueras, Raül Romeva et d’autres responsables catalans emprisonnés, pour leur apporter mon soutien, celui de La Gauche au Parlement européen ainsi que celui de la France insoumise. Je leur avais adressé mon soutien et je leur avais dit ma volonté que les prisonniers politiques soient libérés. Mes collègues eurodéputés élus comme moi démocratiquement doivent continuer de siéger à mes côtés au Parlement européen. Leur place est là-bas et non en prison.

On ne peut régler un conflit politique par la judiciarisation. Il en va du respect de la démocratie et des droits fondamentaux de l’ensemble des citoyens de cette planète.

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Marina Mesure

Syndicalisme international

Marina Mesure is a specialist of social issues. She has worked for several years with organizations defending workers’ rights such as the European Federation of Building and Wood Workers.

She has campaigned against child labor with the International Labor Organization, against social dumping and the criminalization of unionism. As a famous figure in the international trade union world, she considers that the principle of “equal work, equal pay « remain revolutionary: between women and men, between posted and domestic workers, between foreigners and nationals ».

Marina Mesure, especialista en asuntos sociales, ha trabajado durante varios años con organizaciones de derechos de los trabajadores como la Federación Europea de Trabajadores de la Construcción y la Madera.

Llevo varias campañas contra el trabajo infantil con la Organización Internacional del Trabajo, contra el dumping social, y la criminalización del sindicalismo. Es una figura reconocida en el mundo sindical internacional. Considera que el principio de « igual trabajo, igual salario » sigue siendo revolucionario: entre mujeres y hombres, entre trabajadores desplazados y domésticos, entre extranjeros y nacionales « .

Spécialiste des questions sociales, Marina Mesure travaille depuis plusieurs années auprès d’organisations de défense des droits des travailleurs comme la Fédération Européenne des travailleurs du Bâtiment et du Bois.

Elle a mené des campagnes contre le travail des enfants avec l’Organisation internationale du travail, contre le dumping social, la criminalisation du syndicalisme. Figure reconnue dans le monde syndical international, elle considère que le principe de « travail égal, salaire égal » est toujours aussi révolutionnaire : entre les femmes et les hommes, entre les travailleurs détachés et domestiques, entre étrangers et nationaux ».

Sophia Chikirou

Directrice de la publication

Sophia Chikirou is the publisher of Le Monde en commun. Columnist, director of a documentary on the lawfare, she also founded several media such as Le Média TV and the web radio Les Jours Heureux.

Communications advisor and political activist, she has worked and campaigned in several countries. From Ecuador to Spain, via the United States, Mexico, Colombia, but also Mauritania, she has intervened with progressive and humanist movements during presidential or legislative campaigns.

In 2007, she published Ma France laïque (La Martinière Editions).

Sophia Chikirou es directora de la publicación de Le Monde en commun. Columnista, directora de un documental sobre el lawfare, también fundó varios medios de comunicación tal como Le Média TV y la radio web Les Jours Heureux.

Asesora de comunicacion y activista política, ha trabajado y realizado campañas en varios países. Desde Ecuador hasta España, pasando por Estados Unidos, México, Colombia, pero también Mauritania, intervino con movimientos progresistas y humanistas durante campañas presidenciales o legislativas.

En 2007, publicó Ma France laïque por Edicion La Martinière.

Sophia Chikirou est directrice de la publication du Monde en commun. Editorialiste, réalisatrice d’un documentaire sur le lawfare, elle a aussi fondé plusieurs médias comme Le Média TV et la web radio Les Jours Heureux.

Conseillère en communication et militante politique, elle a exercé et milité dans plusieurs pays. De l’Equateur à l’Espagne, en passant par les Etats-Unis, le Mexique, la Colombie, mais aussi la Mauritanie, elle est intervenue auprès de mouvements progressistes et humanistes lors de campagnes présidentielles ou législatives.

En 2007, elle publiait Ma France laïque aux éditions La Martinière.

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