Par Christian Rodriguez et Filip Ristic, le 3 août 2021, à Mexico.
La journée de dimanche commence par une visite aux différents lieux de vote. Notre guide pour cette journée nous propose de visiter les quartiers populaires et de voir comment fonctionne cette consultation, qui est historique, car c’est la première fois qu’elle est lancée pour que ce soit « le peuple qui décide ».
Nous nous rendons dans le quartier d’Atlampa, dans sa partie la plus marginalisée : La Nopalera. Atlampa, c’est une ancienne zone industrielle. Les usines abandonnées font partie du décor, le chômage de masse aussi. Les sols gardent la trace des contaminations passées. Le quartier est fermé, encerclé. Encerclé par la police qui « contrôle » les rues, fermé parce que les connexions routières sont rares avec le reste de la capitale, parce que le chemin de fer traverse le quartier mais le train ne s’y arrête pas. La Nopalera, c’est l’un des quartiers parmi les plus difficiles de la capitale. « C’est pire que Tepito » nous répète une amie qui nous accompagne. La violence du trafic de drogue est omniprésente.
Mais il y a Irma et tous les autres. Irma c’est la « jefa », la cheffe du quartier. Elle connaît tout le monde, et tout le monde la connaît. Nous la rejoignons aux bureaux de vote, installés sur l’unique espace public aménagé. Elle, elle vit ici depuis 58 ans, et personne ne pouvait la remplacer pour nous faire visiter le quartier. Irma, c’est une énergie constante et une militante permanente.
A chaque habitant qu’elle croise dans la rue, elle s’assure de sa participation à la consultation : « Tu es bien allé voter toi ? ». Il faut dire que la tâche est d’autant plus difficile que l’INE a séparé le quartier en deux. Les logements du côté droit de la rue iront voter au bureau du quartier, mais ceux du côté gauche doivent aller voter à plusieurs kilomètres du quartier, sans transport, à pied. Du jamais vu. Mais Irma est là. Ce type de manœuvre des survivants de l’ancien régime ne lui font ni chaud ni froid.
Le choix d’aller passer la journée internationale d’observation dans un secteur populaire et en situation d’exclusion nous permet de confirmer que malgré le poids important des réseaux sociaux, rien ne remplace l’action directe dans le quartier, le porte-à-porte quotidien, les militants sur le terrain, auprès de ceux qui souffrent le plus de la violence de la pauvreté, avec des solutions collectives qui constituent la voie à suivre.
A Atlampa, entre la vie politique et la vie du quartier, les exclus sont unis pour améliorer leur condition. Le député local, lui aussi un exclu issu du mouvement de la diversité sexuelle, a été réélu par les exclus de La Nopalera. La boucle est bouclée. La politique remplie sa mission ici.
Dans le quartier, avec l’énergie militante, tout devient plus facile, les moments de fraternité avec les voisins du quartier nous montrent que la lutte est sans frontières. On le remarque notamment lors de notre visite avec les « compañeras » qui sont heureuses que d’un pays si lointain comme la France, on vienne les accompagner en ce jour de vote, car il faut le dire, tous les pouvoirs de l’ancien régime, aussi bien l’INE que les médias ont essayé de minimiser cette consultation.
Ici tout le monde savait que c’était trop difficile de passer le cap des millions de votants demandés par la règle constitutionnelle. Peu importe le numéro de votants, ce qui compte nous disent les participants c’est potentialiser l’énergie de la société civile, la mobilisation citoyenne, la démocratie participative, celle du peuple agissant qui est inédite et démontre qu’il doit rester mobilisé par tous les moyens pour que la « 4T » soit réellement cette quatrième transformation à laquelle aspire le pays. Comme dirait le président AMLO, ce qui est certain, c’est qu’après cet exercice démocratique, « il n’y a plus d’intouchables » au Mexique.