Cher∙ères camarades,
Je voudrais commencer mon propos par des remerciements. Des remerciements à l’intention des différentes associations qui ont organisé cet événement important, en ce jour d’investiture du président Bernardo Arévalo, au Guatemala. Je les remercie aussi de m’avoir invitée à prendre la parole devant vous.
Mes remerciements vont également à Agnès, alias Taléonne, et à Sébastien, qui ne sont pas là aujourd’hui, mais qui tous deux m’ont sensibilisée les premiers à la situation du Guatemala. Nous nous sommes rencontrés à l’occasion d’une exposition à Paris, « Les femmes du pays des volcans », où Taléonne exposait de magnifiques dessins, avec le talent qui la caractérise.
Nous avons eu l’occasion alors de parler de l’extrême pauvreté des Guatémaltèques et de la problématique des enfants volés, que Taléonne connaît de près, puisque cela a façonné son histoire personnelle.
Suite à cela, nous avons eu plusieurs occasions de travailler ensemble, notamment au mois de juin, pour alerter la ministre Colonna sur le contexte extrêmement tendu des élections présidentielles au Guatemala. Avec l’ensemble des députés insoumis de la commission des affaires étrangères, nous avons souligné la nécessité d’observateurs internationaux pour veiller au bon déroulement du scrutin. Tout concourrait en effet à nous inquiéter.
Les accords de paix du 29 décembre 1996, signés entre le gouvernement du Guatemala et l’union des guérillas (l’UNRG), mettaient fin officiellement aux 36 ans de guerre civile que venait de subir le pays, et cela aurait dû mener à une réelle démocratisation de celui-ci. Nous en sommes pourtant bien loin.
Le président sortant, Alejandro Giammettei, a mis au pas la presse guatémaltèque, a semé la terreur dans le milieu judiciaire pour empêcher toute lutte contre la corruption, et a été jusqu’à démettre le procureur spécial contre l’impunité, qui s’est vu obligé de fuir le pays pour protéger sa vie.
C’est dans ce contexte que nous avons été privés de la candidature de Madame Thelma Cabrera à la présidentielle. Cette femme était la candidate de gauche issue du mouvement paysan. Elle seule portait un programme défendant les droits du peuple guatémaltèque dans son ensemble, populations indigènes comprises, notamment mayas.
D’autres candidats ont également été écartés, dans une véritable stratégie de lawfare : Carlos Pineda et Roberto Arzu.
Tout était fait en vérité pour favoriser la candidate d’extrême-droite, Zuri Rios, qui est également la fille de l’ancien dictateur, Efrain Rios Montt. Rappelons que celui-ci a été condamné en 2013 pour génocide et la mort de plus de dix mille civils pendant les dix-sept mois qu’a duré son régime. La constitution du Guatemala empêche les proches des anciens dictateurs de se présenter aux élections présidentielles, mais cela n’a pas empêché Zuri Rios d’y participer dans les faits, avec le soutien des militaires et des églises évangéliques.
Le président élu du Guatemala, Bernardo Arévalo, n’a peut-être été épargné que parce qu’il n’était crédité que de 5% d’intention de vote, mais depuis qu’il a remporté l’élection en août dans la stupéfaction générale, il a dû faire face aux assauts judiciaires répétés d’une magistrature corrompue, qui sert les intérêts d’une puissante élite économique et politique.
Rappelons que le Guatemala est classé, par Transparency International, parmi les 30 pays les plus corrompus du monde, sur un total de 180.
M. Arévalo a été élu parce qu’il promettait de combattre la corruption, et c’est sans aucun doute ce qui lui vaut un tel acharnement.
On a voulu lui retirer son immunité. On a voulu suspendre son parti politique. On a voulu annuler les résultats de l’élection. Vraiment, peu de choses lui auront été épargnées. La procureure générale, Consuelo Porras, qualifiée de « corrompue » par le ministère américain de la justice, a notamment été accusée d’orchestrer les manœuvres judiciaires pour empêcher M. Arévalo de prendre ses fonctions.
Lui-même a déclaré : « Il ne fait aucun doute que les procureurs vont continuer à abuser de leurs prérogatives. Leur objectif est de nous intimider, de susciter la peur au sein de la population, mais jusqu’à présent, ils n’ont pas réussi, et le pays s’est clairement exprimé en notre faveur. »
De fait, M. Arévalo a pu compter sur le soutien du peuple guatémaltèque, très mobilisé dans la rue pour protester contre ces coups portés à la démocratie.
Les défis qui se présentent à lui sont immenses, car le Guatemala, ce n’est pas seulement l’un des pays les plus corrompus du monde ; c’est également l’un des pays les plus inégalitaires. Alors que 60% de sa population vit sous le seuil de pauvreté, l’élite guatémaltèque est considérée comme l’une des plus « prédatrices » d’Amérique centrale, comme l’explique Jordan Rodas, ancien procureur aux Droits Humains et anticorruption du Guatemala, qui était également colistier de Thelma Cabrera. Selon un rapport d’Oxfam de 2019, 1% des Guatémaltèques les plus riches ont un revenu équivalent à celui de la moitié de la population.
La question guatémaltèque s’inscrit en fait dans un cadre plus large, qui est celui de la lutte contre les ravages du capitalisme, qui pour assurer sa pérennité, se marie sans peine avec l’extrême-droite. On comprend alors aisément pourquoi le destin du Guatemala nous concerne, au-delà de la fraternité qui doit unir les peuples du monde entier. Le capitalisme et le fascisme sont des maux qui affectent l’ensemble de notre planète, et nous mettent toutes et tous en péril.
Nous l’avons vu récemment en Argentine, où l’explosion des inégalités a permis au populisme d’extrême-droite de s’imposer, dans toute sa violence, avec toute sa haine, à travers l’élection de Javier Milei. Partout dans le monde, le capitalisme sauvage et son lot de corruption, d’injustice, de mépris et d’inégalités, fabrique la haine, fabrique de l’extrême-droite, fabrique du fascisme, fabrique des régimes autoritaires et liberticides.
La France doit porter la voix de l’alternative, celle d’un monde qui ne soit pas régi par les dogmes capitalistes et les tentations ultra-nationalistes. Ce qu’elle ne fait plus, depuis trop longtemps. La France s’est centrée sur elle-même et ne regarde plus le reste de l’humanité. L’époque où nous soutenions toutes celles et tous ceux qui s’engageaient de par le monde pour changer leur quotidien est révolue.
C’est pour cela que nous, à la France Insoumise, nous parlons de rupture ! Nous voulons d’une France qui se tient aux cotés des Guatémaltèques et de M. Arévalo qui a mérité, par les urnes, le droit de gouverner son pays. Le droit de tout faire pour éradiquer la corruption, le droit d’endiguer la menace d’extrême-droite en offrant, à un peuple qui le mérite, une réelle lutte contre les inégalités sociales. C’est ce que tous les peuples du monde espèrent, et quand nous ne parvenons pas à leur offrir de réponse, ce sont les fascistes qui le font à notre place.
Nous pouvons faire mieux. Nous devons faire mieux.
Et quand je vois tant de courage et de détermination pour changer la vie des Guatémaltèques, j’en suis convaincue. Vive la démocratie et vive le Guatemala !