Dix ans après l’effondrement du Rana Plaza, usine textile qui avait provoqué la mort de 1138 ouvrières et ouvriers au Bangladesh, et qui restera à jamais dans les mémoires comme une tragédie qui aurait pu être évitée et qui avait mis en évidence la nécessité d’améliorer la sécurité et les droits des travailleurs dans l’industrie mondiale de la confection, les conditions de travail des salarié.e.s du deuxième exportateur mondial de vêtements après la Chine, restent déplorables.
Alors que le pouvoir d’achat des salarié.e.s n’a jamais été aussi bas en raison de l’inflation, les manifestant.e.s ont entamé une grève massive le 30 octobre, demandant le triplement de leur salaire, soit 190 euros par mois. Un salaire vital pour les quatre millions de personnes employées dans ce secteur, composé à 85% de femmes, qui subissent du harcèlement moral et sexuel, en plus d’une cadence infernale pouvant aller jusqu’à 16 heures de travail quotidien, avec des objectifs de rentabilité irréalistes et des droits sociaux presque inexistants.
Le mouvement a touché les plus grandes usines du pays qui fournissent toutes les grandes marques occidentales de l’habillement comme H&M, Gap, Primark, Zara ou encore Levi’s. D’après les chiffres de la police, 600 usines (sur les 3500 du pays) seraient fermées. Le mardi 7 novembre, sous la pression de la fédération des travailleurs de l’industrie et de l’habillement du pays, le comité du salaire minimum du secteur a annoncé une augmentation du salaire mensuel de base de 56,25%. Soit 104 euros, effectif à partir de décembre. Une hausse jugée insuffisante et qualifiée d' »inacceptable » par les syndicats.
Depuis deux semaines, les milliers d’ouvriers en grève dans plusieurs localités du pays font face à la répression brutale du pouvoir : 8000 opposants ont été arrêtés et trois personnes ont déjà perdu la vie. Hier mercredi 8 novembre, une femme qui était opératrice de machine à coudre a été tuée par balle près de Dacca, touchée à la tête par un tir de la police. Une répression brutale fermement condamnée par les organisations internationales.
Si la lutte pour des salaires décents remontent à loin dans ce pays où les bas coûts de production attirent les multinationales et encouragent le gouvernement à maintenir des conditions de travail indignes, l’ampleur de l’engagement est cette fois, inédite. Elle s’inscrit dans le cadre d’un mouvement populaire exigeant la démission de la Première ministre Sheikh Hasina, qui dirige le pays d’une main de fer depuis 2009. Ainsi, le 28 octobre, plus de 100 000 personnes se sont réunies pour demander la démission du gouvernement avant les élections de janvier.
Comme toujours, les mouvements des travailleurs et travailleuses sont le fer de lance de mobilisations plus larges pour la dignité humaine. D’autant que cette grève est ici très politique : en effet, les patrons du textile occupent une place centrale dans la structure du pouvoir au Bangladesh. Nous relayons ici la solidarité exprimée par le député de la France insoumise Manuel Bompard à l’égard des travailleurs et travailleuses du Bangladesh, qui ont, précise-t-il, « toujours été solidaires des luttes en France, encore au début de l’année contre la réforme des retraites […] elles et ils luttent pour l’intérêt général du peuple humain ».