Le débat sur l’unité de la gauche est à nouveau sur la table. Dans une situation de faiblesse politique et organisationnelle, les discussions entre les différents acteurs et dirigeants politiques et les intellectuels de gauche reviennent au centre de l’actualité. Et ce débat sur une candidature unie de la gauche est porté à la fois par les élections législatives françaises et par l’échéance électorale andalouse, le 19 juin prochain.
Ce débat politique s’est déployé parallèlement à la matérialisation en Andalousie de la première candidature unitaire des formations politiques à gauche du Parti socialiste ouvrier espagnol – PSOE – (à l’exception d’Adelante Andalucía). En 2019, Unidas Podemos et Más País, se sont présentés séparément. Au même moment, en France, Mélenchon réussissait à unifier toute la gauche française sous la houlette de La France insoumise.
Une première façon d’aborder ce débat a été celle de l’union coûte que coûte. Divers secteurs politiques, culturels et médiatiques ont insisté sur l’idée d’un Front populaire comme étant une sorte de solution miraculeuse aux maux subis par la gauche, en l’occurrence à l’échelle andalouse, mais également étatique. Dans ce débat, la réalisation de l’unité elle-même est perçue comme un instrument politique sans autre finalité politique que la sauvegarde de résultats électoraux modestes. La somme des formations politiques est uniquement envisagée sous un angle arithmétique dans laquelle chacune des organisations apporte un certain nombre d’électeurs qui, au final, amasseront un certain nombre de voix.
Ce qui est important dans cette approche n’est pas tant le but pour lequel cette union est réalisée, mais plutôt sa propre réalisation. Une façon de montrer à l’électorat progressiste que cette fois, oui, tous les partis de gauche iraient ensemble. Le seul but est ainsi de mettre en lumière cette « réussite » : le dépassement de clivages existants comme si c’était uniquement cela la formule secrète du succès politique et électoral. Cette logique rend difficile l’aboutissement d’un véritable projet unitaire, d’un programme politique qui soit bien plus qu’une façade, et d’un horizon politique de changement réel capable de répondre à de larges couches sociales.
Le cas français, en revanche, est loin de l’expérience andalouse et non pas parce qu’il ne s’agirait pas d’un pacte entre les différentes forces politiques comme cela s’est produit en Andalousie. Le processus d’unité de la gauche en France a eu lieu grâce au rapport de force bénéfique dont disposait Jean-Luc Mélenchon. Cela lui a permis de proposer un accord avec les verts, les socialistes et les communistes qui, confrontés au besoin de maintenir leur représentation politique (l’avenir de leurs organisations étant en jeu), ont accepté de faire partie d’un nouveau pôle populaire capable de transcender ces organisations et dont l’objectif est de refonder la gauche française. Les deux propositions politiques sont le fruit d’un pacte entre élites et non d’un quelconque processus issu de la base. Ils ne sont pas une unité politique réalisée d’en bas, mais plutôt convenue d’en haut.
Pourtant, la proposition politique menée par Mélenchon dépasse nettement le périmètre électoral, politique et social des partis qui la composent et a créé une nouvelle offre politique. Et il le fait parce que le débat s’est concentré sur une autre approche qu’en Andalousie : le programme politique et l’horizon du pays. Le leadership des insoumis, héritiers de la vague populiste des années 2014-2020, a permis de donner une nouvelle empreinte à cet accord entre différents mouvements pour créer quelque chose de nouveau qui rassemble toute la famille progressiste sous un même programme politique.
Un programme politique qui aspire à un renouvellement des propositions idéologiques de la gauche européenne sous la bannière écologique et sociale. La Nouvelle Union populaire écologique et sociale aspire à refonder idéologiquement la gauche et à semer les graines politiques, organisationnelles et électorales pour bousculer le système politique français sur le long terme. Le camp progressiste français trouve dans cette candidature un acteur politique inédit et ambitieux qui dépasse certains débats historiques au sein de la gauche française pour offrir un horizon capable de transcender les sigles des différents partis. Ce n’est pas une simple coalition électorale.
De fait, les premiers sondages depuis l’apparition de la Nupes montrent qu’elle pourrait disputer la victoire en nombre de voix aux élections législatives de juin. Mais au-delà de ce constat électoral, son irruption modifie le paysage politique français et les dynamiques concurrentielles existantes et impacte pleinement l’électeur progressiste, pouvant ainsi mobiliser des secteurs qui s’abstiennent traditionnellement aux élections législatives. Les répercutions d’une telle union pourraient donc être ressenties dans toute l’Europe, à un moment où les partis sociaux-démocrates ont besoin des nouvelles formations populistes, écologistes ou alternatives pour espérer atteindre le pouvoir. La candidature de Mélenchon peut servir d’exemple pour de futurs projets politiques.
Cependant, au-delà de ce débat, une conclusion claire peut être tirée. Si l’on aspire à créer une coalition politique capable de gagner, il faut qu’elle soit fondée autour d’un nouveau projet politique avec un nouvel horizon pour le pays. C’est la grande leçon que la gauche espagnole doit garder en tête pour le cycle électoral qui commence en Andalousie. Les candidatures unitaires qui se forment désormais doivent transcender les organisations politiques qui les composent. Les surpasser. Ils doivent laisser les logiques de parti au second plan comme leviers de quelque chose de plus grand. L’unité populaire à laquelle aspire tant la gauche et qui est probablement la seule option vraiment capable de gagner dont dispose le camp progressiste pour 2023 (élections législatives et autonomiques espagnoles ; NDLR) doit offrir un programme et un horizon politique qui émane d’en bas.
Par conséquent, un engagement entre organisations affaiblies n’est pas valable s’il se fait sans un accord programmatique de fond. Une proposition d’union en accord avec les attentes populaires, pas entre formations, et qui favorise l’apparition d’un nouvel acteur politique qui dépasse les différentes organisations existantes. Si cela se produit, l’impulsion mobilisatrice peut provoquer un bouleversement sur l’échiquier politique. Sinon, la gauche sera obligée d’être un amalgame d’acronymes pour survivre. Embrasser l’unité ou défendre un programme de transformation comme un drapeau : telle est la décision de la gauche qui marquera l’avenir du pays.