Jean-Luc Mélenchon est un candidat imparfait.
À 70 ans, il se présente pour la troisième fois consécutive à la présidence de la République. Au cours des cinq dernières années, la stratégie de son parti populiste de gauche, la France insoumise, changeait brusquement, alternant entre une volonté de lutter contre la concurrence des autres partis de gauche et l’ambition de former des alliances électorales avec eux. L’élan et la bonne volonté de la campagne de 2017 a ainsi été perdu. Son parti souffre d’un manque de démocratie interne. Et sa personnalité fougueuse rebute encore de nombreux électeurs potentiels.
Pourtant, en candidat infatigable et aguerri défendant une plateforme aux idées populaires, le député marseillais monte rapidement dans les sondages. De plus, comme le candidat l’avait prédit à l’automne dernier, les divisions à droite ont ouvert la porte à ce qui paraissait hier comme un scénario hautement improbable : à l’approche du premier tour du 10 avril, Mélenchon apparaît désormais comme le seul candidat à disposer d’une véritable chance de perturber la revanche prévue de longue date entre le président sortant Emmanuel et la candidate du Rassemblement national Marine Le Pen. À environ 16 % dans les sondages, il suit Le Pen d’environ 6 points.
La présence de Mélenchon au second tour recentrerait le débat national sur la crise climatique et sur les enjeux économiques plutôt que sur l’immigration et l’identité.
Les enjeux sont clairs : si Mélenchon réussit à se faufiler au second tour, ce serait un coup de pouce donné aux forces progressistes du pays largement affaiblies qui en ont cruellement besoin. Cela constituerait également une bouffée d’oxygène pour le climat politique dans son ensemble. Les autres partis de gauche et de centre-gauche n’ont pas voulu lui apporter leur soutien pour une longue liste de raisons, mais cela ne change rien à la situation dans son ensemble : même si une défaite de Macron est hautement improbable, la simple présence de Mélenchon au second tour serait bénéfique à la gauche en recentrant la scène politique sur la crise climatique et les questions de pouvoir d’achat plutôt que sur l’immigration et l’identité.
Un duel entre Mélenchon et Macron aiderait à braquer les projecteurs nationaux sur un ensemble admirable d’initiatives politiques de gauche – dans un contraste saisissant avec les calomnies et les attaques alarmistes sur l’immigration, l’insécurité et l’identité nationale qui résulteraient sans doute d’une revanche de l’entre-deux-tour de 2017 avec Macron opposé à Le Pen.
Contrairement à Macron et Le Pen, Mélenchon soutient une hausse du salaire minimum – à 1 400 € par mois – et un retour de l’impôt sur la fortune que le président actuel a abrogé lors de sa toute première année au pouvoir. Il souhaite également abaisser l’âge de la retraite de 62 à 60 ans, une proposition sensée qui reconnaît la valeur du temps libre et a l’avantage supplémentaire de lutter contre le chômage.
Sur la politique climatique, le programme du populiste de gauche reconnaît la gravité de la crise : il propose un plan d’investissement massif responsable de 200 milliards d’euros (ou 218 milliards de dollars) soutenu par un amendement constitutionnel qui engage les futurs gouvernements à protéger la biodiversité et à lutter contre le changement climatique. Pendant ce temps, sa proposition de former une assemblée constituante chargée de rédiger une 6ème République est une tentative tout aussi sérieuse de résoudre la crise de légitimité à laquelle est confrontée la démocratie française.
Il éliminerait la place prépondérante de la présidence française et ramènerait le pays à un système parlementaire élu à la représentation proportionnelle. Les institutions politiques françaises ont besoin d’être renouvelées : si les sondages en sont une indication, le vote du 10 avril pourrait présenter l’un des taux de participation les plus bas de toutes les élections présidentielles de l’histoire de la 5ème République, fondée en 1958.