Alors que le match retour du duel Macron-Le Pen de 2017 est promis aux électeurs depuis des mois, le candidat de la gauche le mieux placé est venu jouer les trouble-fêtes. Selon lui, un passage au deuxième tour est possible du « bout des doigts ». Il a tenu ces propos lors d’un « multi-meeting » hologramme ce mardi dans lequel il s’est déplacé virtuellement sur des scènes à travers le pays.
Jean-Luc Mélenchon, âgé de 70 ans, était physiquement présent à Lille, dans le nord de la France. Aux chants d’« Union Populaire », il a affirmé qu’il était encore temps de « mettre fin à cette monarchie présidentielle portée à des sommets caricaturaux par [Emmanuel] Macron ».
« On a encore trois jours. On peut toucher notre destin du bout des doigts, on sait que l’on peut réussir la plus incroyable bifurcation politique imaginable. » Tels étaient les propos du Jeremy Corbyn français au public issu d’une ville dirigée par Martine Aubry, l’une des architectes de la semaine de 35 heures.
Plusieurs milliers de personnes supplémentaires ont suivi l’avatar en 3-D de l’homme politique pugnace. Avec une arrivée digne de Star Trek dans 11 salles en France, allant du Havre à Nice.
Un grand orateur, ayant exprimé par le passé de l’admiration pour Chavez, Mao et Poutine, Mélenchon est réputé pour ses poussées dans les sondages de dernière minute, arrivant très près de passer au deuxième tour en 2017.
« Souvenez-vous que souvent, cela se joue à pas grand-chose. La dernière fois c’était 600 000 voix, ils se sont moqués mais c’est peu », a-t-il dit en référence aux bulletins qui lui ont manqué en 2017.
Un sondage d’Ipsos-Sopra Steria sorti mercredi l’a placé en troisième position des intentions de vote à 16 % mais approchant de Marine Le Pen à 21,5 %, avec Macron en tête avec 26,5 %.
De façon encourageante pour le leader insoumis, le sondage a trouvé que 55 % des Français étaient « mécontents » de l’action gouvernementale et 37 % en « colère et opposée à la classe dirigeante française ».
Avec une candidate socialiste Anne Hidalgo désormais autour des 2 % d’intentions de vote dimanche et un adversaire écologiste, Yannick Jadot coincé aux 6 %, le leader de la France insoumise se présente comme le seul rassembleur possible entre les écologistes et les électeurs de gauche, appelant ainsi à un vote stratégique en sa faveur.
Il a aussi tendu la main aux gilets jaunes et aux personnes tentées par le vote Le Pen « fâchés mais pas fachos », leur demandant « l’intérêt de mettre cette femme au pouvoir ? »
Alors que quelques-unes des mesures présentées par la candidate du Rassemblement national visent supposément à augmenter le pouvoir d’achat des Français, Mélenchon a insisté sur la nécessité de mesures plus effectives et plus radicales comme « le blocage des prix à la pompe ».
« Elle prend de grands airs et affirme qu’elle souhaite rendre l’argent aux Français. Désolé, mais de quoi parle-t-elle ? » a-t-il demandé.
Mélenchon s’est également engagé à abaisser l’âge de la retraite de 62 à 60 ans tout en rétablissant l’impôt sur la fortune, et à un plan massif d’investissement écologique de 200 millions d’euros.
« Nous n’avons plus de temps à perdre » a-t-il asséné, évoquant la crise climatique, promettant d’utiliser tous les « moyens humains, intellectuels, financiers, sociaux et culturels » pour respecter l’accord climatique de Paris de 2015.
Il a également fait appel à des valeurs plus progressives, évoquant une « révolution féministe » en cours et en appelant à une 6ème République donnant plus de pouvoir au Parlement et réduisant les pouvoirs présidentiels.
Des commentaires ambigus du passé sur la Russie et la sortie de la France de l’OTAN l’ont exposé à des attaques depuis le début de l’invasion de l’Ukraine. « Il est allé plus loin que la complaisance – il a soutenu la position de Poutine ». Tels sont les propos qui ont été tenus par la maire de Paris Anne Hidalgo.
Il a contre-attaqué sur scène : « en étant non-aligné, nous sommes capables de dire que nous n’accepterons jamais l’invasion de l’Ukraine ou les crimes commis par les Russes sous l’autorité de M. Poutine. »
À la question de savoir si la France se dirigeait vers un nouveau duel Macron-Le Pen, Mélenchon a affirmé au micro de Sud Radio cette semaine que « cela n’arriverait pas ».
Divers avis sur la question étaient présents parmi les soutiens du candidat.
« Franchement, cela va être difficile » a affirmé Hamid Athemani, un enseignant de 31 ans. « Macron a un boulevard devant lui et on se dirige vers le même débat qu’en 2017. Mais on ne sait jamais, il a gagné du terrain ces derniers jours. »
Eliain Marolleau, 22 ans, étudiant en sciences politiques à Lille est plus dur.
« Il n’y a pas de doute que ce soit son dernier meeting politique. La lucidité m’oblige à penser qu’il ne gagnera pas. Seules les personnes âgées votent, et à droite. Beaucoup de jeunes votent pour Mélenchon mais la plupart ne vote pas du tout.
« Dans les années 70, les intellectuels de gauche ont dominé le débat politique et ont bénéficié d’une certaine hégémonie culturelle. Aujourd’hui cela a disparu des studios télé et nous n’entendons plus que le vocabulaire de la droite et de l’extrême droite.
« Ce qui aurait pu apparaître comme une proposition aussi simple que la hausse des salaires ou la retraite à 60 ans est déclaré comme impossible à faire. Tu es traité comme un fou. »
Mais d’autres sont prêts à y croire.
Marine Dhap, de 32 ans, travaillant dans le marketing en freelance, affirme ainsi qu’« il est en troisième place, mais beaucoup de personnes n’ont pas tranché encore et cette semaine sera décisive. Il a encore une chance. »
« Je suis pour ses politiques sociales, la redistribution de la richesse et un système plus humain. Son programme écologique est bien noté par les organisations écologistes, il est féministe et il soutien le bien-être animal. »
Jean-Marc, de 65 ans, un enseignant à la retraite, qui se définit lui-même comme un modéré de gauche ajoute : « je voterais pour lui au premier tour parce que j’aimerais assister à un vrai débat dans l’entre-deux-tours, ce qui ne serait pas possible si Le Pen passe. »
« Mais je voterais pour Macron en cas de duel avec Le Pen sans hésitation et je regrette une ambiguïté de Mélenchon sur ce point. »
La dernière fois il avait attendu avant de trancher.