Dans un long message sur ses réseaux sociaux, Oskar Lafontaine revient sur les raisons qui l’ont poussé à créer Die Linke pour rompre avec la social-démocratie. Premièrement, il fallait une force politique pour combattre les réformes du chancelier Schröder allié au parti Vert (diminution des droits des chômeurs, encouragement aux emplois précaires, gel des salaires, baisse des prestations sociales…). Deuxièmement, il fallait une force politique pour stopper les interventions militaires illégales auxquelles participait l’Allemagne, en Yougoslavie ou en Afghanistan notamment.
Le succès de ce nouveau parti a été fulgurant : 11,9 % lors de sa première élection fédérale et 76 députés au Bundestag. Dans la foulée, Die Linke est entrée dans les Parlements régionaux de 7 Länder (régions), comptant 11 % de l’ensemble des élus du pays. Mais ce succès a été rapidement terni par une réorientation politique qui a coûté au parti son ancrage social et la sympathie des milieux populaires, jusqu’à sombrer sous les 5 % aux élections fédérales de 2021. Et parmi ces 5 %, on ne retrouve plus guère de retraités, d’ouvriers, d’employés et de chômeurs. Comment l’expliquer ?
Oskar Lafontaine pointe trois évolutions mortifères. D’abord, Die Linke s’est placé dans l’orbite du parti Vert et en a copié les revendications, s’adressant à un électorat petit-bourgeois, plutôt que de tenir fermement ses engagements sur le plan social. Ensuite, elle s’est progressivement détournée du programme pacifiste, au point où la présidente du parti et le porte-parole sur la politique extérieure ont profité de l’invasion russe en Ukraine pour approuver un programme de réarmement massif du pays et des livraisons d’armes, main dans la main avec le gouvernement fédéral. Finalement, le parti a organisé un système frauduleux de désignation des candidatures aux élections fédérales et régionales, qui évince une partie des militants et constitue une petite oligarchie protégée.
Ces réorientations ne sont pas des accidents. La direction de Die Linke a même déclaré que les partisans de la ligne politique originelle – État social et paix – serait passibles d’exclusion. Le parti purge ses militants les plus engagés et fidèles au programme. D’ailleurs, Oskar Lafontaine lui-même fait l’objet d’une procédure d’exclusion auprès de la commission d’arbitrage du Land de Berlin.
En conséquence, Oskar Lafontaine retrouve aujourd’hui dans le fonctionnement et les positions de Die Linke toutes les raisons qui l’ont conduit à quitter le SPD en 2005.