Sans vergogne, le journal publie une page entière consacrée à Hermann Göring, à l’occasion du 75ème anniversaire de sa mort.
Depuis le procès de Nuremberg qui a suivi la chute du régime hitlérien en 1945, Göring est reconnu comme l’un des plus grands auteurs de la machine génocidaire allemande sous le Troisième Reich. Un criminel, fondateur de la Gestapo (la police secrète d’Hitler), qui a été un dirigeant de premier plan au sein du régime nazi.
La publication d’El Mercurio a suscité l’indignation et le choc dans l’opinion publique, dans la classe politique et aussi chez les journalistes eux-mêmes, qui, par l’intermédiaire de leur organisation syndicale, ont exprimé leur indignation en déclarant qu’« un criminel contre l’humanité ne peut être une figure de proue d’un média responsable ».
L’ambassade de l’Allemagne au Chili a également réagi avec indignation, précisant qu’il n’est pas d’usage de commenter des articles de presse en public, mais « nous voulons juste être très clairs : cette personne, H. Goering, a commis des crimes contre l’humanité et était l’un des piliers du régime nazi ».
« Cela ne laisse pas la moindre place pour justifier ou minimiser moralement ou politiquement – et encore moins en termes juridiques – son rôle infâme pendant le régime nazi et dans l’Holocauste », a ajouté l’ambassade de l’Allemagne en rejetant totalement la publication du journal El Mercurio.
La communauté juive chilienne s’est également jointe au mouvement, condamnant la publication du journal qui, selon elle, fait « l’apologie du nazisme en publiant dans ses pages un hommage au créateur de la Gestapo 75 ans après sa mort ». En Europe, cette publication serait un crime.
Pour sa part, le député et candidat à la présidence pour la coalition Apruebo Dignidad, Gabriel Boric, a déclaré qu’il est « inacceptable que toute la page [du journal] rappelle l’un des plus grands criminels de guerre nazis et fondateur de la Gestapo. Une offense aux victimes de l’Holocauste et à tous ceux d’entre nous qui ont un engagement sans restriction envers les droits de l’homme ».
De même, la défenseuse des droits de l’homme Carmen Hertz a exprimé son indignation et a souligné qu’il ne faut rien attendre d’« El Mercurio, ses propriétaires et l’élite parasitaire dont font partie les admirateurs du nazi José Antonio Kast ».
Elle fait ici un parallèle avec le candidat de l’extrême-droite chilienne aux élections présidentielles, José Antonio Kast. Fils d’un officier allemand de la Wehrmacht et frère d’un infâme ministre de Pinochet, Kast « est un dangereux candidat fasciste, car il aurait certainement été en « première ligne » lors de la Nuit de cristal », dénonce Carmen Hertz, en référence au pogrom perpétré contre les Juifs en Allemagne et dans certaines régions d’Autriche et de République tchèque entre le 9 et le 10 novembre 1938.
Partout dans le monde, l’extrême-droite demeure d’extrême-droite. Au Chili comme en France, la résurgence des vieux démons fascisants met en péril les libertés et la démocratie. La référence au nazisme est tout sauf fortuite, elle ne met qu’en lumière le fil long qui relit les réactionnaires d’hier et d’aujourd’hui. Le combat contre cet obscurantisme ne doit jamais cesser.