J’ai tenu à être présent ce 26 avril à Ankara pour soutenir des résistants au régime dirigé par Recep Erdoğan.
Il s’agit de 108 responsables du HDP (parti démocratique des peuples) dont le procès débute ce jour. Parmi eux, les anciens coprésidents du HDP – M. Selahattin Demirtaş et Mme Figen Yüksekdağ -, la coprésidente actuelle Mme Pervin Buldan, ainsi que des députés et maires du HDP, actuels et anciens. L’acte d’accusation de cette affaire réclame plus de 15 000 ans de prison rien que pour Selahattin Demirtaş. On leur reproche un message Twitter posté le 6 octobre 2014 qui appelait à des manifestations de solidarité avec les habitants de Kobanê, une ville kurde du nord de la Syrie, luttant à l’époque contre les attaques de l’Etat Islamique.
Au moins 37 personnes ont été tuées pendant les manifestations, dont la grande majorité étaient des partisans du HDP atteints par des tirs de la police turque. Les demandes d’enquête parlementaire du HDP ont toutes été rejetées et voilà les camarades des victimes de cette manifestation qui se retrouvent menacés de prison ! La Grande Chambre de la Cour européenne des Droits de l’Homme a d’ailleurs contesté cette accusation et demandé la libération des responsables du HDP.
La première journée de ce procès a été ce que la défense redoutait : alors que près de 300 policiers et gendarmes se massaient dans la salle, une partie des avocats se voyaient empêcher de siéger au prétexte du Covid. Cet après-midi, jugeant le tribunal partial, les avocats ont demandé que l’affaire soit jugée par une autre juridiction.
Le refus du tribunal, doublé du refus de donner la parole aux accusés, a occasionné la sortie des avocats. Toute cette première journée a montré le caractère politique de ce procès.
Mais l’objectif du pouvoir à Ankara est encore plus grave car dès ce procès fini, dans deux semaines, débutera une autre procédure judiciaire visant à carrément interdire le HDP. Quand on sait que le procureur de la Cour de cassation qui l’a lancé a été nommé par le Président turc et que l’affaire sera entendue par la Cour constitutionnelle, dont les membres sont principalement des juges nommés par le groupe majoritaire AKP-MHP au parlement, il n’y a guère d’illusion à se faire sur la conclusion de cette parodie de justice.
Depuis la prison de Sincan où s’ouvre ce procès, j’appelle donc, seul parlementaire national présent au nom du groupe France Insoumise, à renforcer la campagne de solidarité avec ces 108 accusés et plus généralement le HDP. Ce procès s’inscrit dans la lignée des attaques politico-judiciaires lancées partout dans le monde par des régimes toujours plus autoritaires et liberticides afin de faire taire leurs opposants. Dès mon retour je demanderai à être reçu par le ministre des Affaires étrangères, M. Le Drian, dans le but que la France s’exprime enfin officiellement sur cette atteinte aux droits démocratiques. Pour mémoire, le HDP paye notamment en Turquie son soutien politique aux combattants kurdes du Rojava qui ont été nos meilleurs alliés contre le djihadisme islamiste : il serait temps que la France s’en souvienne.