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Texte de référence à venir…

Mort en prison pour une chanson

Shadi Habach est mort dans une prison égyptienne. Depuis 2 ans, il était enfermé avec environ 60 000 prisonniers politiques, selon des organisations de défense des droits de l’homme. Il s’agit notamment de militants laïcs, de journalistes, d’avocats, d’universitaires et d’islamistes arrêtés dans le cadre d’une répression continue contre la dissidence depuis l’éviction du président islamiste Mohamed Morsi par l’armée en 2013.

Au matin du 2 Mai 2020, le photographe et réalisateur Shadi Habach est mort dans la prison de Tora en Égypte.

Shadi, qui avait tout juste 24 ans, était enfermé depuis mars 2018 pour avoir réalisé le clip vidéo de la chanson « Balaha» (ndlr. Datte) qui se moque du président Égyptien Abdel Fattah el-Sissi – par le chanteur Ramy Essam.

Les nouvelles de la prison rapportent que ses codétenus ont appelé les gardes pour secourir Shadi depuis 1 heure du matin mais que ceux-là n’ont daigné répondre qu’après la mort de Shadi, à 8 heures du matin. Quelle nuit cauchemardesque ont donc vécu le jeune homme et ses camarades, victimes du régime d’el-Sissi qui, contrarié par la satire d’une chanson, s’est vengé par la prison. Cela fait deux ans que la détention de Shadi se prolonge sans horizon ni date de jugement. Son cas est celui de beaucoup d’autres, encore vivants, qui continuent de souffrir des conditions inhumaines et des négligences intentionnelles dans les prisons.

Tout cela se passe durant le mois du Ramadan, le mois de la miséricorde, tandis que les prisonniers font le jeûne et que leurs repas tardent à arriver parce qu’ils ont osé exprimer leur colère après ce qui est advenu à leur camarade, et tandis que les familles, à l’extérieur, inquiètes et anxieuses, avalent des bouchées amères.

Voici l’extrait d’une lettre que Shadi a envoyé depuis la prison en Octobre 2019 à destination de ceux qui sont à « l’extérieur ». Sa lettre exprime toute l’oppression et l’impuissance que ressentent le détenu et quiconque voudrait le soutenir.

***

« La prison ne tue pas c’est la solitude qui tue et j’ai besoin de votre aide, pour ne pas mourir.
Durant les deux années passées, j’ai essayé de « résister » tout ce qui m’arrive, pour rester la personne que vous connaissez lorsque je sortirai, mais c’est fini, je n’en peux plus. Résister en prison cela veut dire : te résister à toi-même et essayer de préserver ton humanité des conséquences négatives de ce que tu vois et vis chaque jour, comme par exemple devenir fou ou mourir parce que tu as été jeté et oublié dans une cellule depuis deux ans sans savoir si tu en sortiras un jour ni comment.

Le fait est que je suis encore en prison et, tous les 45 jours, je me présente devant un juge pour entendre la même chose, « renouvellement de 45 jours », sans même qu’il ne daigne me regarder ou jeter un coup d’œil au dossier de l’affaire dans laquelle tous les concernés ont été libérés il y a 6 mois déjà.

(…) Je sais que j’ai beaucoup d’amis qui m’aiment et qui ont peur d’écrire sur moi, ou qui pensent que je sortirai de toute façon, sans leur aide. J’ai plus que jamais besoin de vous et de votre soutien. »

***

Personne n’a été capable de sauver Shadi mais c’est l’occasion douloureuse de rappeler tous ceux qui sont encore enfermés dans les prisons d’el-Sissi.

Alaa Abdul Fattah auquel sa famille tente, depuis des semaines, de faire parvenir des médicaments, des vitamines et même des papiers sanitaires qui sont, à chaque fois, refusés par l’administration de la prison ! … Notre collègue Ismail Iskandarani qui est enfermé depuis 2015 sur des accusations vagues, la plus importante étant qu’il est un chercheur et écrivain intéressé par la région du Sinaï et ses habitants… et tant d’autres, si nombreux que leurs noms ne tiendraient pas sur cette page.

Nous parlerons d’eux parce qu’ils nous le demandent et parce que nous n’avons rien que les mots pour tenter de les protéger, un peu.

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