C’était la grande première pour « Bifurcations ». L’idée de cette première émission de l’Insoumission, est de pouvoir développer une autre vision du monde, sans être coupé intempestivement comme dans les émissions des médias traditionnels. Coralie Delaume, essayiste et auteure, et Léonard Vincent, écrivain, avaient préparé leurs questions à l’invité de ce premier épisode : Jean-Luc Mélenchon. Très vite l’émission s’est transformée en une discussion à trois, agréable et passionnante sur le fond. Plus de 5 000 personnes étaient au rendez-vous, suivant le direct sur Youtube, Facebook et Twitter.
« Être une grande puissance, ce n’est pas vendre des voitures, c’est la valeur des principes moraux que l’on porte »
Premier thème abordé : la situation mondiale. Première question, forcément, s
ur la crise sanitaire du coronavirus que nous traversons. Jean-Luc Mélenchon a commencé par rappeler qu’une épidémie comme le coronavirus, n’est pas strictement biologique, mais bien également un fait social. Le leader des insoumis a ensuite pris la défense de l’ONU, institution souvent attaquée, et a plaidé pour son renforcement juridique en pointant du doigt les responsabilité des grandes puissances du G7 et des Etats-Unis. Jean-Luc Mélenchon a également réaffirmé l’importance des peuples d’Afrique, voués bientôt à rassembler plus de 2 milliards de personnes, et a rappelé le poids de la colonisation dans les relations internationales.
Sur une question sur la puissance française et sur son éventuel déclin, le tribun a plaidé pour une France sûre de ses forces dans une envolée dont il a le secret. Jean-Luc Mélenchon a rappelé que le déclinisme était une mode française et que certains en faisaient même une véritable profession, visant sûrement quelques éditorialistes de plateaux catastrophistes passant leur temps à parler de dépérissement ou de « suicide français ». Le leader des insoumis a adressé une critique sévère au « modèle allemand » : « Être une grande puissance, ce n’est pas vendre des voitures. Un peuple avant d’être un bilan commercial, c’est les principes qu’il porte. Je n’ai jamais pensé la puissance française comme autre chose que la force de ses valeurs ». Le président du groupe LFI à l’Assemblée a ensuite fait longuement référence à la place de la France de la Révolution de 1789 dans le monde.
Annuler les dettes publiques détenues par la BCE : la priorité européenne
Deuxième thème abordé : l’Europe. On sait l’importance historique du sujet européen dans le cheminement politique du leader des insoumis. Et sa constance également sur le sujet. Après avoir refusé le statut de la BCE, voté non au Traité constitutionnel en 2005, quitté le Parti en 2008, le tribun a toujours été le fervent pourfendeur de la politique austéritaire imposée par la Commission européenne. Jean-Luc Mélenchon a commencé par rappeler que si les insoumis exerçaient le pouvoir, une question immédiate serait celle de l’injonction à faire rentrer le budget dans le « semestre européen ». Le leader des insoumis a également rappelé que la commission européenne était intervenue à 63 reprises entre 2011 et 2018 pour inciter les différents États membres à réduire leur dépenses de santé. Destruction de l’Hôpital Publique mise en lumière avec la crise sanitaire.
Jean-Luc Mélenchon est ensuite revenu sur la trahison du vote du peuple français en 2005. Le fameux « non » au Traité constitutionnel européen, transformé en « oui » par Nicolas Sarkozy avec le traité de Lisbonne en 2007. Comme nous l’écrivions récemment, 15 ans après le « non », l’annulation des dettes publiques détenues par la Banque centrale européenne est une priorité politique absolue. Jean-Luc Mélenchon a d’ailleurs récemment déposé une proposition de résolution à l’Assemblée nationale dans ce sens qu’il a eu tout le loisir de détailler pendant l’émission.
La discussion a porté sur la trajectoire de la construction européenne. Conçue au départ pour répondre au bloc soviétique, l’Union européenne a progressivement érigée la compétition entre les peuples au sommet de la hiérarchie des normes. Jean-Luc Mélenchon a dénoncé cette compétition, notamment avec l’Allemagne. Le tribun a rappelé que la seule relation possible avec l’Allemagne, était une relation égalitaire : « Madame Merkel applique la politique qui sert les intérêts de l’Allemagne. Je fais des reproches aux dirigeants français qui ne défendent pas les intérêts de la France.J’ai l’honneur d’avoir été blâmé, officiellement, par François Hollande, en tant que membre du PS, pour mon opposition au statut de la Banque centrale européenne (…). Si on annulait ses dettes, cela nous donnerait l’air indispensable dans la période. On me dit qu’on ne peut annuler la dette parce que cela poserait un problème pour «la crédibilité de l’euro». Le leader des insoumis a alerté sur le risque pur et simple d’éclatement de la zone euro. Avec notamment le risque d’un scenario grecque pour l’Italie. Jean-Luc Mélenchon a prévenu : réitérer l’austérité comme après 2008 serait la pire des erreurs. Mélenchon, la seule voix raisonnable et crédible sur la marche à suivre au niveau européen ? Vous n’entendrez pas cet autre son de cloche sur beaucoup de plateaux.
« Le principal séparatisme dans ce pays : c’est celui des riches »
Troisième et dernier grand thème de l’émission : la République française. Jean-Luc Mélenchon a commencé par rappeler l’importance du passage à la VIème République, nouveau régime qu’il imagine parlementaire et mariant « la stabilité des institutions » et « l’intervention populaire ». Il a rappelé la violence de la politique macroniste. Sur le plan social bien sûr, mais également sur le plan des libertés individuelles avec la loi Avia. Le tribun a également tancé le jeu dangereux du Président de la République. Dans sa dernière allocution, Macron a en effet évoqué un « séparatisme ». Jean-Luc Mélenchon lui a répondu directement : « le seul séparatisme dans ce pays, c’est celui des riches. ». Et d’évoquer l’immense marseillaise entonnée par le peuple français samedi 13 juin Place de la République, à l’occasion du rassemblement antiraciste organisée par le collectif Vérité et Justice pour Adama.
Le leader des insoumis a conclu sur notre besoin de souveraineté, une nouvelle fois révélé par la crise du coronavirus. Et a envoyé deux messages. Le premier aux apprentis sorciers à l’heure où le fascisme renaît aux quatre coins du monde : « Ils voudraient transformer la lutte des classes en lutte de « races ». L’humanité est une et indivisible. L’universel est à construire en affrontant le racisme. Nous serons toujours du côté de l’égalité. Les droits réels se disputent dans la bataille sociale et nul part ailleurs. Monsieur Macron ou Monsieur Valls renvoient à des fantasmes. Ne les laissons pas nous diviser ».
Le second message que le tribun avait à faire passer, était plus personnel : Il arrive souvent que je ne corresponde pas à ma caricature. J’aimerais qu’on fasse preuve de discernement. On peut commettre beaucoup de fautes en politique. Mais quand on se met du côté des pauvres et des humiliés on sait qu’on se trompe rarement. ». Si éditorialistes et politiques se succèdent pour tenter de semer la division entre les classes populaires, Jean-Luc Mélenchon a choisi son « camp », pour reprendre les mots du préfet Lallement. C’est celui du peuple.
Par Pierre Joigneaux