Cet article fait partie du dossier La solidarité internationale

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CSW à New-York : D’un féminisme unitaire à un féminisme décolonial

La 68ème Commission de la condition de la femme des Nations Unies (CSW), s'est tenue du 11 au 22 mars 2024 à New York. Une délégation parlementaire française transpartisane s'est rendue à New York. Parmi les députées sur place; la présidente du groupe LFI à l'assemblée Mathilde Panot et ses collègues, qui ont pu témoigner là-bas de l'immense victoire pour les femmes en France : l'inscription de l'IVG dans la constitution. Pour Le Monde en Commun, Ersilia Soudais, députée LFI de Seine-et-Marne, raconte.

Dès notre arrivée à New York dans le cadre de la 68ème édition du CSW, nous avons commencé par chercher l’inspiration, mais surtout par rendre hommage à plus grand que nous, à une source d’inspiration, à un parcours singulier dans l’Histoire de par sa puissance mais aussi sa résilience pour la lutte contre l’esclavage, en nous rendant quasi-immédiatement devant la statue d’Harriet Tubman. Notre arrivée coïncidait avec le 111ème anniversaire de la mort de cette infatigable militante abolitionniste, antiraciste et féministe, connue pour avoir risqué sa vie pour permettre l’évasion de personnes réduites en esclavage et pour s’être battue pour le droit de vote des femmes. Le moment était des plus opportuns pour lui rendre hommage.

Notre présidente de groupe à l’assemblée nationale, Mathilde Panot, a emprunté ces mots d’Harriet Tubman : « Si vous entendez les chiens, continuez. Si vous voyez les torches dans les bois, continuez. S’il y a des cris après vous, continuez. Ne vous arrêtez jamais. Continuez. Si vous voulez goûter à la liberté, continuez. »

Ces mots résonnent encore après plus d’un siècle dans le cœur de tous les opprimés, et notamment dans celui de toutes les femmes qui veulent qu’advienne enfin la reconnaissance pleine et entière de leurs droits.

Pour les féministes du monde entier, la CSW, qui en elle-même se veut très consensuelle, est avant tout un moment stratégique pour se rencontrer et se retrouver. Les causes et les luttes du monde entier coïncidaient autour des bâtiments de l’ONU et s’échangeaient des conseils, des méthodes et des combats. On pouvait notamment y croiser des militantes de l’Articulación Feminista Marcosur, qui réunit des féministes de onze pays d’Amérique du Sud et qui fait partie intégrante de l’Internationale féministe, impulsée par des féministes mexicaines et co-fondée par notre collègue et camarade Sophia Chikirou. Daptnhe Cuevas, l’une de ces féministes mexicaines, s’enthousiasme pour les élections à venir au mois de juin : « Nous avons deux femmes qui se présentent à la présidence du Mexique, dont une femme très progressiste. Les sondages donnent cette candidate de gauche vainqueure. Ce serait à la fois une victoire politique et une victoire du genre féminin. » De façon générale, elle évoque des avancées en matière de parité dans le monde politique de son pays. Francisca, féministe chilienne, évoque au contraire ses craintes face à l’échec de la constituante et au regain de puissance du côté de la droite, qui la rendent pessimiste pour les élections de 2025. Elle redoute des reculs pour les droits des femmes, notamment en matière d’accès à l’avortement. En 2022, le Chili était pourtant à deux doigts d’inscrire ce droit dans la Constitution.

Les militantes saluent d’ailleurs avec force la victoire que nous avons arrachée en France à ce sujet. Malgré les tentatives d’Aurore Bergé de faire oublier que nous la devons à notre présidente Mathilde Panot, notamment par le biais d’un événement l’évinçant des intervenants, nombreuses sont les féministes engagées sur le sujet qui n’ont pas oublié que La France Insoumise était bien seule à réclamer l’inscription de ce droit dans la constitution il y a de cela quelques années. Ceci étant, la victoire sur le sujet de l’avortement en France est loin d’être complète. Il reste à garantir l’application concrète de ce droit, et Sarah Durocher, présidente du Planning Familial, souligne : « Depuis une semaine, nous avons subi trois attaques à l’encontre de nos antennes. Ce sont « juste » des tags, mais imaginez un peu ce que ressent une femme qui vient nous voir et qui lit sur les murs que l’avortement est un meurtre. Les antichoix sont vraiment actifs en ce moment, et ça ne nous rassure pas. »

En vérité, il reste encore bien des combats féministes à mener en France, comme partout ailleurs. Et c’est d’ailleurs lorsqu’on croit que le combat est fini, lorsqu’on a l’impression d’être intouchables, que les forces réactionnaires attaquent et nous font reculer. Le mieux pour maintenir notre héritage progressiste, c’est de rester toujours en mouvement. Au siège d’ONU Femmes, une de nos interlocuteurs nous appelle d’ailleurs à l’humilité : « Les pays du G7 n’ont pas de leçons à donner aux autres en matière de féminisme. Au Japon, par exemple, il y a un fossé entre le développement économique et les inégalités entre les femmes et les hommes. » Ce qui n’est pas sans me rappeler ma rencontre avec les féministes japonaises en octobre dernier. Un autre de nos interlocuteurs ajoute : « La France se revendique leader en matière de diplomatie féministe, mais on observe une grande différence entre les paroles et les actes. » Ces propos ont trouvé de l’écho dans mes échanges avec des représentantes de l’ONG tunisienne Aswat Nissa, dont le plaidoyer vise à intégrer une approche genrée dans les politiques publiques et à encourager les femmes tunisiennes à prendre la place qui leur revient dans la vie publique et politique : « Nous devons dépasser le clivage Nord / Sud, et défendre ensemble un féminisme décolonial, où toutes les femmes seraient égales les unes aux autres, quelle que soit leur situation géographique. » Avec ces représentantes d’Aswat Nissa, nous avons aussi beaucoup discuté de la présence conséquente de la question palestinienne à la CSW, à travers le sujet des violences, notamment sexuelles, perpétrées à l’encontre des Palestiniennes à Gaza, mais également en Cisjordanie : « Nous avons assisté à une conférence menée par la ministre palestinienne de la condition féminine, et toute la salle a fondu en larmes face à son témoignage. C’était très dur à entendre. Nous ne comprenons pas pourquoi les pays occidentaux ne prennent pas la mesure du drame qui se joue. Heureusement que des voix comme celles de La France Insoumise font entendre un autre son de cloche. »

Lors d’un des événements de la CSW, j’ai moi-même eu l’occasion d’assister aux témoignages de Palestiniennes, notamment deux jeunes Gazaouies, membres du PWWSD. L’une d’elles, Rana, nous a fait écouter, en larmes, un enregistrement pris avec son téléphone. Nous entendions des tirs et des cris de femmes apeurées : « Pardonnez-moi de vous infliger cela, mais moi, c’est ce que j’entendais tous les jours. » Kifaya Khraim, avocate basée à Ramallah, qui est intervenue à leurs côtés, nous a évoqué des accouchements difficiles, tels que celui d’Ala. Terrifiées par le phosphore blanc et les fumées chimiques résultant des bombes lancées sur Gaza, Ala et sa famille ont fui et se sont abritées dans une école, où 40 personnes se sont concentrées dans une seule salle de classe. Lorsqu’Ala a perdu les eaux, la famille n’avait aucun téléphone pour contacter une ambulance, et ils ont dû se débrouiller avec difficulté pour accéder à un hôpital. Quand l’enfant est né, Ala et lui n’ont pas pu se laver durant des jours. Elle n’a pas pu avoir accès au moindre produit sanitaire, au moindre médicament, au moindre soin post-partum, au moindre lait infantile. En écoutant toutes les conséquences du massacre à Gaza à l’encontre des femmes, je n’ai pu m’empêcher de repenser à ces mots d’une de nos interlocutrices d’ONU Femmes, qui a souligné le caractère décevant de la participation des femmes aux négociations de paix : « Les femmes ne représentaient que 16% des délégations des parties au conflit dans les processus de paix menés ou co-menés par l’ONU en 2022, contre 19% en 2021, et 23% en 2020. Même lorsqu’elles sont exclues des négociations de paix et des lieux de pouvoir, les femmes sont souvent célébrées pour avoir construit la paix depuis le début. Toutefois leurs réussites sont souvent méconnues et ne bénéficient que de peu de soutien. »

Les limites de notre vision du féminisme sont palpables au CSW : en proie à l’ethnocentrisme, si la France n’intègre pas l’urgence du féminisme à son échelle comme à celle du monde entier, le conservatisme ne fera qu’une bouchée de nos acquis. Et si l’Occident ne prend pas conscience de l’importance que ce féminisme soit décolonial, nous ne comprendrons jamais les oppressions que subissent de nombreuses femmes dans le monde, en y ajoutant celle qu’on leur impose.

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Marina Mesure

Syndicalisme international

Marina Mesure is a specialist of social issues. She has worked for several years with organizations defending workers’ rights such as the European Federation of Building and Wood Workers.

She has campaigned against child labor with the International Labor Organization, against social dumping and the criminalization of unionism. As a famous figure in the international trade union world, she considers that the principle of “equal work, equal pay « remain revolutionary: between women and men, between posted and domestic workers, between foreigners and nationals ».

Marina Mesure, especialista en asuntos sociales, ha trabajado durante varios años con organizaciones de derechos de los trabajadores como la Federación Europea de Trabajadores de la Construcción y la Madera.

Llevo varias campañas contra el trabajo infantil con la Organización Internacional del Trabajo, contra el dumping social, y la criminalización del sindicalismo. Es una figura reconocida en el mundo sindical internacional. Considera que el principio de « igual trabajo, igual salario » sigue siendo revolucionario: entre mujeres y hombres, entre trabajadores desplazados y domésticos, entre extranjeros y nacionales « .

Spécialiste des questions sociales, Marina Mesure travaille depuis plusieurs années auprès d’organisations de défense des droits des travailleurs comme la Fédération Européenne des travailleurs du Bâtiment et du Bois.

Elle a mené des campagnes contre le travail des enfants avec l’Organisation internationale du travail, contre le dumping social, la criminalisation du syndicalisme. Figure reconnue dans le monde syndical international, elle considère que le principe de « travail égal, salaire égal » est toujours aussi révolutionnaire : entre les femmes et les hommes, entre les travailleurs détachés et domestiques, entre étrangers et nationaux ».

Sophia Chikirou

Directrice de la publication

Sophia Chikirou is the publisher of Le Monde en commun. Columnist, director of a documentary on the lawfare, she also founded several media such as Le Média TV and the web radio Les Jours Heureux.

Communications advisor and political activist, she has worked and campaigned in several countries. From Ecuador to Spain, via the United States, Mexico, Colombia, but also Mauritania, she has intervened with progressive and humanist movements during presidential or legislative campaigns.

In 2007, she published Ma France laïque (La Martinière Editions).

Sophia Chikirou es directora de la publicación de Le Monde en commun. Columnista, directora de un documental sobre el lawfare, también fundó varios medios de comunicación tal como Le Média TV y la radio web Les Jours Heureux.

Asesora de comunicacion y activista política, ha trabajado y realizado campañas en varios países. Desde Ecuador hasta España, pasando por Estados Unidos, México, Colombia, pero también Mauritania, intervino con movimientos progresistas y humanistas durante campañas presidenciales o legislativas.

En 2007, publicó Ma France laïque por Edicion La Martinière.

Sophia Chikirou est directrice de la publication du Monde en commun. Editorialiste, réalisatrice d’un documentaire sur le lawfare, elle a aussi fondé plusieurs médias comme Le Média TV et la web radio Les Jours Heureux.

Conseillère en communication et militante politique, elle a exercé et milité dans plusieurs pays. De l’Equateur à l’Espagne, en passant par les Etats-Unis, le Mexique, la Colombie, mais aussi la Mauritanie, elle est intervenue auprès de mouvements progressistes et humanistes lors de campagnes présidentielles ou législatives.

En 2007, elle publiait Ma France laïque aux éditions La Martinière.

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