Cet article fait partie du dossier La solidarité internationale

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Bouillonnement féministe au Maroc

La députée LFI-NUPES Ersilia Soudais a effectué en février 2024, un voyage au Maghreb et au Moyen-Orient, afin d'examiner les luttes spécifiques à chaque pays en matière de droit des femmes, et les priorités des acteurs qui luttent pour ces droits. La députée de Seine-et-Marne rend compte pour Le Monde en Commun, de sa visite au Maroc, où elle s’est rendue pour s’enquérir de l’état d’avancement de la réforme du Code de la famille annoncée par le roi Mohammed VI en juillet 2022 et qui suscite les espoirs des féministes

Chaque rue à Rabat donne l’impression de traverser un grand boulevard, non en raison de la taille de la ville, mais en raison de ce qu’elle dégage : un espace animé, développé, ouvert sur le monde. Tant de cultures s’entremêlent entre l’héritage berbère, le monde arabe et une francophonie singulière au sein du Maghreb : toutes sont palpables et toutes se mélangent.

En quelques années et à une vitesse exceptionnelle, le Maroc est entré dans une autre phase de son histoire, avec un important développement de l’entièreté de ses services publics ainsi que de son industrie. Cette modernisation a un impact économique certain mais influe aussi sur la quête de libertés : les aspirations des féministes marocaines à plus d’égalité se sont largement renforcées.

Lors de son déplacement au Maroc à l’invitation du PPS de Nabil Benabdellah en octobre 2023, Jean-Luc Mélenchon a expliqué que la France devrait s’inspirer du réseau d’entraide et de solidarité mis en place par le Maroc suite au séisme meurtrier d’Al Haouz. Cette méthodologie doit être la nôtre dans tous nos combats : lutter contre l’impérialisme et le colonialisme, c’est aussi une lutte contre notre manière de faire de la politique. Ce n’est pas exporter nos idées et nos moyens partout dans le monde comme si nous avions la bonne recette, mais c’est s’inspirer de la créativité et des forces vives qui animent la lutte pour les libertés partout dans le monde. C’est le sens de l’Internationale Féministe co-fondée par des féministes mexicaines et par Sophia Chikirou en Mars 2023 à Mexico : il s’agit de prôner un féminisme décolonial, qui lutte pour l’émancipation des femmes partout dans le monde mais aussi contre une vision unique et purement occidentale de cette lutte.

Lorsque nous nous sommes rendus au Maroc en février 2023, notre visite s’est inscrite durant les négociations pour la réforme du code de la famille, qui a été initiée par le roi Mohamed VI en septembre 2023 et qui est censée aboutir sur d’importantes avancées pour les femmes marocaines. Des organes féministes les plus institutionnels aux plus radicaux, tous attendent beaucoup de ce projet de réforme.

Pour la députée socialiste Salwa Demnati, les forces progressistes ont un rôle majeur à jouer dans cette période : « Notre rôle est de faire des propositions, en concertation avec les groupes politiques progressistes, pour faire avancer l’égalité entre les hommes et les femmes marocaines ! »

En nous faisant visiter l’assemblée nationale marocaine à ses côtés, Salwa Demnati nous confie que cette réforme ne sera probablement pas à la hauteur des espérances, mais qu’elle incarnera sans doute une avancée considérable pour les femmes marocaines. L’histoire moderne du Maroc semble donner raison à la députée de l’Union socialiste : en 2004, un nouveau code de la famille avait déjà offert à l’époque des avancées majeures aux Marocaines telles que la responsabilité conjointe des époux, des restrictions aux mariages des mineurs et à la polygamie, ou encore le droit pour les femmes de demander le divorce, ce qui avait été salué avec enthousiasme par les organisations de défense des droits humains et l’ensemble de la société civile.

Cependant, malgré l’objectif d’aboutir à un projet consensuel à travers les six mois de consultation initiés par le pouvoir royal, les islamistes sont vent debout contre une quelconque atteinte à la suprématie des règles religieuses : Al Adl Wal Ihsane, mouvance islamiste marocaine, interdite mais tolérée par le régime, appelle à « la suprématie du référentiel islamique ». Mais il est difficile pour les islamistes d’imposer un narratif religieux quand la proposition émane du Roi, qui a également le rôle de président du Conseil supérieur des Oulémas. Un conseil qui est le seul légitime au Maroc pour émettre des avis religieux.

L’espace de propositions laissé par le pouvoir royal a été investi par les féministes marocaines : l’association Kif Mama Kif Baba (Papa comme Maman) appelait déjà à une réforme de la Moudawana en octobre dernier, prônant une éradication totale du mariage des mineurs et de la polygamie, l’attribution de la tutelle des enfants aux mères ayant leur garde, ainsi que la reconnaissance du mariage d’une femme marocaine avec un non-musulman. Nous avons rencontré la fondatrice de cette association, Karima Nadir, qui se mobilise pleinement dans la campagne pour la réforme du code de la famille : l’ONG s’est associée à d’autres organismes féministes pour lancer une campagne de sensibilisation avec différentes personnalités publiques marocaines, allant de la culture au sport, pour appeler à une réforme ambitieuse et égalitaire du code de la famille.

Pourquoi la France n’est-elle pas aux côtés de ces organisations qui militent pour une égalité des droits ? Eh bien, car la France est loin d’avoir bonne presse et cela pour plusieurs raisons. « Même si on sent un léger réchauffement entre les pouvoirs marocain et français, il va falloir des garanties claires pour espérer retrouver une relation forte à l’avenir », analyse un journaliste marocain. Et cela, Jean-Luc Mélenchon en avait fait lui-même la demande dès son arrivée à Rabat en octobre dernier.

Pendant notre déplacement, le ministre des Affaires étrangères français Stéphane Séjourné s’est rendu à Rabat pour rencontrer son homologue Nasser Bourita, laissant entrevoir le début d’un dégel des relations. Mais pour les organisations qui luttent pour les droits des femmes au Maroc, la France déçoit aussi de par sa position molle face au génocide en cours à Gaza.

La Fédération des ligues des droits des femmes crée des centres de refuges partout dans le pays et milite pour mettre fin au mariage des mineurs ainsi qu’à la polygamie, mais le premier sujet qu’elles ont choisi d’aborder avec nous, c’est la situation à Gaza et à Rafah : « Les femmes et les enfants sont les premières victimes de ce massacre », répétaient les responsables, comme si elles avaient peur que cette information s’égare de la conversation pendant quelques secondes tant elle est primordiale. Et elle l’est, à tant d’échelles. Quand la diplomatie française refuse de le voir en faisant primer ses intérêts directs et immédiats, la France en paye le prix sur le temps long et rate des occasions historiques pour établir des partenariats avec des organisations et des acteurs qui militent pour les droits humains et pour l’égalité femme-homme. Notre silence nous coûte, partout dans le monde.

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Marina Mesure

Syndicalisme international

Marina Mesure is a specialist of social issues. She has worked for several years with organizations defending workers’ rights such as the European Federation of Building and Wood Workers.

She has campaigned against child labor with the International Labor Organization, against social dumping and the criminalization of unionism. As a famous figure in the international trade union world, she considers that the principle of “equal work, equal pay « remain revolutionary: between women and men, between posted and domestic workers, between foreigners and nationals ».

Marina Mesure, especialista en asuntos sociales, ha trabajado durante varios años con organizaciones de derechos de los trabajadores como la Federación Europea de Trabajadores de la Construcción y la Madera.

Llevo varias campañas contra el trabajo infantil con la Organización Internacional del Trabajo, contra el dumping social, y la criminalización del sindicalismo. Es una figura reconocida en el mundo sindical internacional. Considera que el principio de « igual trabajo, igual salario » sigue siendo revolucionario: entre mujeres y hombres, entre trabajadores desplazados y domésticos, entre extranjeros y nacionales « .

Spécialiste des questions sociales, Marina Mesure travaille depuis plusieurs années auprès d’organisations de défense des droits des travailleurs comme la Fédération Européenne des travailleurs du Bâtiment et du Bois.

Elle a mené des campagnes contre le travail des enfants avec l’Organisation internationale du travail, contre le dumping social, la criminalisation du syndicalisme. Figure reconnue dans le monde syndical international, elle considère que le principe de « travail égal, salaire égal » est toujours aussi révolutionnaire : entre les femmes et les hommes, entre les travailleurs détachés et domestiques, entre étrangers et nationaux ».

Sophia Chikirou

Directrice de la publication

Sophia Chikirou is the publisher of Le Monde en commun. Columnist, director of a documentary on the lawfare, she also founded several media such as Le Média TV and the web radio Les Jours Heureux.

Communications advisor and political activist, she has worked and campaigned in several countries. From Ecuador to Spain, via the United States, Mexico, Colombia, but also Mauritania, she has intervened with progressive and humanist movements during presidential or legislative campaigns.

In 2007, she published Ma France laïque (La Martinière Editions).

Sophia Chikirou es directora de la publicación de Le Monde en commun. Columnista, directora de un documental sobre el lawfare, también fundó varios medios de comunicación tal como Le Média TV y la radio web Les Jours Heureux.

Asesora de comunicacion y activista política, ha trabajado y realizado campañas en varios países. Desde Ecuador hasta España, pasando por Estados Unidos, México, Colombia, pero también Mauritania, intervino con movimientos progresistas y humanistas durante campañas presidenciales o legislativas.

En 2007, publicó Ma France laïque por Edicion La Martinière.

Sophia Chikirou est directrice de la publication du Monde en commun. Editorialiste, réalisatrice d’un documentaire sur le lawfare, elle a aussi fondé plusieurs médias comme Le Média TV et la web radio Les Jours Heureux.

Conseillère en communication et militante politique, elle a exercé et milité dans plusieurs pays. De l’Equateur à l’Espagne, en passant par les Etats-Unis, le Mexique, la Colombie, mais aussi la Mauritanie, elle est intervenue auprès de mouvements progressistes et humanistes lors de campagnes présidentielles ou législatives.

En 2007, elle publiait Ma France laïque aux éditions La Martinière.

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