Cet article fait partie du dossier La solidarité internationale

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Mort d’Alberto Fujimori, dictateur à l’héritage tenace

Alberto Fujimori, ancien président et dictateur du Pérou de 1990 à 2000 condamné à 25 ans de prison pour crimes contre l'humanité, est mort dans la nuit du mercredi 11 septembre laissant derrière lui un pays politiquement dévasté. Depuis 2016, le Pérou sombre dans une crise dont il n'arrive pas à se relever. En cause, la classe politique corrompue à la tête des institutions, une constitution déséquilibrée à l'image de l'ancien dictateur et les effets désastreux des politiques libérales toujours en vigueur.

Son départ marque la fin d’une époque mais surtout donne les clés du pouvoir à sa fille Keiko Fujimori, tout aussi corrompue. L’ancien dictateur, grand responsable de la situation politique actuelle, a suscité jusqu’à sa mort de la haine ou de l’adoration. 

Pour comprendre cet antagonisme émotionnel des Péruviens envers le président disparu mais aussi envers son héritière Keiko, il faut remonter au milieu du XXe siècle. En effet, le parcours constitutionnel du Pérou est loin d’être un long fleuve tranquille ; de 1945 à 1990 vont se succéder des dictatures et des démocraties, rythmées par des coups d’État comme celui de 1968 par Juan Velasco Alvarado, célèbre pour avoir nationalisé une grande partie de l’économie péruvienne et avoir aboli le féodalisme agraire.

Dans les années 1980 le Pérou a vécu sa plus grande guerre civile faisant plus de 70 000 morts entre le Parti communiste du Sentier Lumineux, le MRTA (Mouvement Révolutionnaire de Tupac Amaru) et les différents gouvernements péruviens libéraux. C’est dans ce contexte que Alberto Fujimori sera élu en 1990 président de la république.

Le temps de la dictature, populiste et autoritaire

« El Chino », surnom donné à ce président pour ses origines japonaises, embrassa dès le début de son mandat une politique populiste et autoritaire avec un tournant néolibéral brutal de l’économie (soutenu par le FMI). Il réalisa en peu de temps de nombreuses privatisations, dévalua la monnaie et provoqua des licenciements de masse. Cette politique aura eu pour conséquence de stabiliser l’économie mais au détriment de populations toujours plus pauvres, en faveur d’une élite corrompue (Alberto Fujimori sera d’ailleurs l’un des chefs d’Etat les plus corrompus de son temps).

En 1992, l’autoritarisme de ce président ira jusqu’à un « auto coup d’Etat » envers son propre gouvernement face au blocage du parlement dont il dissout la chambre des députés. Dès 1993 il mettra en place une constitution libérale à son image teintée d’austérité budgétaire, de privatisations et d’un recul des droits en faveur au marché international. Le dictateur aura alors toutes les cartes en main pour imposer sa vision.

Tout en détruisant l’émergence d’un État providence péruvien, il s’attaqua immédiatement aux révolutionnaires armés du Sentier Lumineux et du MRTA, faisant grimper le niveau de violence dont les populations civiles furent les premières victimes. Par crainte d’une montée du communisme et du socialisme au Pérou, le président dictateur combattit avec rage ces guérillas armées. Pour cela, il n’hésita pas à bafouer de nombreux droits et de nombreuses libertés : jugements et assassinats arbitraires, tortures, incitations à la guerre civile entre paysans et révolutionnaires, manipulations, corruptions, contrôle des médias et de la presse, jusqu’à la stérilisation forcée de 330 000 femmes et 25 000 hommes dans une quête eugénique pour réduire les populations défavorisées.

La fin du règne

En 2001, inquiété par l’ensemble des violences de son règne pour des histoires de corruption, de meurtre, de kidnapping et pour crimes contre l’humanité, Alberto Fujimori fuya le Pérou direction le Japon. Arrêté au Chili en 2005, il fut extradé vers son pays natal en 2007 afin d’être condamné définitivement à 25 ans de prison pour violation des droits de l’homme, sans compter les différentes condamnations pour écoutes illégales, corruption et détournement de fonds.

Après 13 ans sous les barreaux, grâce à la complicité de la présidente actuelle Dina Boluarte, « El Chino » sera libéré en 2023 suscitant l’indignation de la Cour interaméricaine des droits de l’homme et du Haut-commissariat des Nations Unies. C’est donc libre qu’il finira par mourir ce mercredi 11 septembre des suites d’un cancer à la langue, sous les larmes de ses partisans et les cris de colère de ses détracteurs. En effet, les familles de victimes des atrocités commises durant les années 1990 n’auront jamais eu le droit à un véritable procès.

Malgré toutes ses exactions, il resta fortement populaire grâce à l’usage de vieilles recettes populistes telles que la lutte contre les élites intellectuelles, le rejet de la politique traditionnelle ou encore le soutien à l’économie souterraine… A tel point que la présidente Boluarte décréta trois jours de deuil national, violente gifle infligée à la mémoire de ses victimes et au respect des droits humains.

Héritage inquiétant du Fujimorisme

Le dictateur laisse derrière lui un courant politique appelé « Fujimorisme » doté d’une idéologie d’extrême-droite, xénophobe, populiste, capitalise et néolibéral. Sa fille Keiko Fujimori, fière représentante de ce courant, a su comme son père conquérir le cœur d’une grande partie des péruviens à travers un discours falsifié et rétrograde, soutenu par la classe médiatique et la communauté internationale.

Après deux candidatures infructueuses à la présidentielle, elle perdit la dernière élection en 2021 avec seulement 44 000 voix d’écart face à Pedro Castillo, professeur des écoles, candidat du parti marxiste et populaire Pérou Libre.

Suite à l’emprisonnement de ce dernier pour un coup d’Etat avorté aux contours bien flous, la présidente actuelle Dina Boluarte déroule désormais le tapis rouge à Keiko Fujimori, lui assurant une possible victoire aux prochaines élections présidentielles de 2026.

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Marina Mesure

Syndicalisme international

Marina Mesure is a specialist of social issues. She has worked for several years with organizations defending workers’ rights such as the European Federation of Building and Wood Workers.

She has campaigned against child labor with the International Labor Organization, against social dumping and the criminalization of unionism. As a famous figure in the international trade union world, she considers that the principle of “equal work, equal pay « remain revolutionary: between women and men, between posted and domestic workers, between foreigners and nationals ».

Marina Mesure, especialista en asuntos sociales, ha trabajado durante varios años con organizaciones de derechos de los trabajadores como la Federación Europea de Trabajadores de la Construcción y la Madera.

Llevo varias campañas contra el trabajo infantil con la Organización Internacional del Trabajo, contra el dumping social, y la criminalización del sindicalismo. Es una figura reconocida en el mundo sindical internacional. Considera que el principio de « igual trabajo, igual salario » sigue siendo revolucionario: entre mujeres y hombres, entre trabajadores desplazados y domésticos, entre extranjeros y nacionales « .

Spécialiste des questions sociales, Marina Mesure travaille depuis plusieurs années auprès d’organisations de défense des droits des travailleurs comme la Fédération Européenne des travailleurs du Bâtiment et du Bois.

Elle a mené des campagnes contre le travail des enfants avec l’Organisation internationale du travail, contre le dumping social, la criminalisation du syndicalisme. Figure reconnue dans le monde syndical international, elle considère que le principe de « travail égal, salaire égal » est toujours aussi révolutionnaire : entre les femmes et les hommes, entre les travailleurs détachés et domestiques, entre étrangers et nationaux ».

Sophia Chikirou

Directrice de la publication

Sophia Chikirou is the publisher of Le Monde en commun. Columnist, director of a documentary on the lawfare, she also founded several media such as Le Média TV and the web radio Les Jours Heureux.

Communications advisor and political activist, she has worked and campaigned in several countries. From Ecuador to Spain, via the United States, Mexico, Colombia, but also Mauritania, she has intervened with progressive and humanist movements during presidential or legislative campaigns.

In 2007, she published Ma France laïque (La Martinière Editions).

Sophia Chikirou es directora de la publicación de Le Monde en commun. Columnista, directora de un documental sobre el lawfare, también fundó varios medios de comunicación tal como Le Média TV y la radio web Les Jours Heureux.

Asesora de comunicacion y activista política, ha trabajado y realizado campañas en varios países. Desde Ecuador hasta España, pasando por Estados Unidos, México, Colombia, pero también Mauritania, intervino con movimientos progresistas y humanistas durante campañas presidenciales o legislativas.

En 2007, publicó Ma France laïque por Edicion La Martinière.

Sophia Chikirou est directrice de la publication du Monde en commun. Editorialiste, réalisatrice d’un documentaire sur le lawfare, elle a aussi fondé plusieurs médias comme Le Média TV et la web radio Les Jours Heureux.

Conseillère en communication et militante politique, elle a exercé et milité dans plusieurs pays. De l’Equateur à l’Espagne, en passant par les Etats-Unis, le Mexique, la Colombie, mais aussi la Mauritanie, elle est intervenue auprès de mouvements progressistes et humanistes lors de campagnes présidentielles ou législatives.

En 2007, elle publiait Ma France laïque aux éditions La Martinière.

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