La mobilisation pour la Palestine aux États-Unis a connu un succès inédit, dans un pays qui assume la priorité accordée à la protection d’Israël. La timidité des leaders démocrates et la condamnation populaire de Genocide Joe ont eu raison de l’aile gauche du parti. Dans un contexte électoral ou la menace d’extrême droite incarnée par Trump est (de nouveau) de plus en plus réelle dans la course à la maison blanche, le Blue Party observait l’hémorragie dans les sondages jusqu’à prendre une décision inédite : pousser Joe Biden à renoncer à défendre son mandat au profit de sa vice-présidente, Kamala Harris.
Fille d’une mère d’origine indienne et d’un père d’origine jamaïcaine, ancienne procureur et puis sénatrice de la Californie : dans l’analyse méritocratique ancrée dans les rouages de la politique américaine, le moment de Harris était venu. Mais sur le fond, sa ligne politique ressemble beaucoup à celle de Biden, à savoir aucune ambition de rupture mais aussi très peu de chances d’espérer un rééquilibrage du rapport capital-travail. Aussi progressiste qu’elle peut être sur certains sujets sociaux, Kamala Harris croit fermement en l’économie de marché et reste assez éloignée des idées de l’aile gauche des Democrats allant d’Alexandra Occasion-Cortez jusqu’à Bernie Sanders.
Sur le plan international, les militants pour la cause palestinienne sont divisés. Skander, étudiant à Berkeley en Californie et engagé dans les mouvements étudiants de soutien à la Palestine reste prudent. “Elle était aux cotés de Genocide Joe depuis le 7 octobre. Elle ne parle jamais, ni de génocide ni de colonialisme ! C’est peut-être mieux que Trump, mais je ne sais pas ce qu’elle va faire pour nous aider” déclare l’étudiant en science politique, qui hésite encore à aller voter. Et la situation ne risque pas d’aller en s’arrangeant : labellisé comme une “radicalisée d’extrême-gauche” par la campagne de Donald Trump et les Républicains, la réponse de Harris n’est pas d’aller puiser dans la rupture, mais de rassurer ceux qui ne veulent que peu ou pas changer les choses. Pour le journal politique The National Review, la stratégie est assumée : le bilan impopulaire de Biden reste pour Harris “moins radioactif que son agenda de gauche d’avant-2019.”
La candidate indépendante et écologiste, Jill Stein, analyse la candidature de Harris comme un gage de continuité : “Les élites démocrates ont choisi Kamal Harris pour la même raison qu’ils ont choisi Biden: c’est pour dire aux donateurs de Wall-Streets que rien ne va fondamentalement changer. Ce n’est pas Biden qu’il faut remplacer, mais tout un système corrompu” dénonce la triple candidate aux présidentielles sur X. Au premier test, Harris n’a pas rassuré : après le bombardement de la capitale du Liban par le régime colonial et criminel de Netanyahou, Harris n’a pas hésité à reprendre les éléments de langage de l’extrême-droite israélienne, invoquant la légitime défense, face à un pays qui n’a pas attaqué.
Bernie Sanders, chef de file de l’aile gauche des Democrats a mis plusieurs jours avant d’annoncer son soutien à Harris, tentant d’incliner son programme. “Pour gagner, Kamala Harris doit parler aux classes populaires et se rendre véritablement compte des inégalités sociales massives qui dominent notre pays” déclare le sénateur du Vermont dans un entretien avec le Boston Globe. Si Sanders a déclaré qu’il fera tout pour faire battre Trump, il ajoute que les Democrats devront être très clairs sur le programme: “Quand ceux qui sont au sommet n’ont jamais eux la vie aussi facile, qu’est que ce nous pouvons faire pour protéger nos classes populaires ?” demande le sénateur, avant d’insister sur la nécessité de travailler sur la sécurité sociale et l’assurance maladie pour tous.
Malgré le soutien de Sanders, Harris n’est pas plébiscité par les partisans d’une gauche de rupture. Le choix pressenti du gouverneur de Pennsylvanie, Josh Shapiro comme colistier irrite : les socialistes democrates de Pennsylvanie ont publié un communiqué appelant Harris a ne pas faire ce choix. Le gouverneur démocrate a réprimé les mouvements de solidarité avec la Palestine dans les universités, les considérant comme des rassemblements antisémites, allant jusqu’à comparer les organisateurs au.. Ku-Klux-Klan, société secrète terroriste suprémaciste blanche. Un choix qui tentera de modérer la candidature d’Harris, quitte à risquer la perte de ceux qui se mobilisent et s’organisent depuis des années pour tenter de changer la vie.