La décision est soudainement tombée le 6 février : le président Kaïs Saïed a annoncé la dissolution du Conseil supérieur tunisien de la magistrature (CSM), organe accusé d’être partial dans ses prises de décisions, vicié par la corruption et noyauté par le parti Ennahdha. Si la nouvelle inquiète, c’est parce que le CSM, institution indépendante chargée de la nomination des juges, est née en 2016 et est le résultat de la démocratisation qu’a connu le pays à la chute de Ben Ali. Cette décision est ainsi une charge directe contre le système judiciaire du pays.
Cette fin de semaine, l’organe de substitution, censé être « temporaire », a été présenté. Cette nouvelle institution est subordonnée aux décisions présidentielles : l’exécutif peut décider de limoger ou non des juges à sa convenance. La fin effective de l’indépendance judiciaire est donc actée par une telle décision. Le président a assumé ce choix, le présentant comme la meilleure façon d’assurer un assainissement du système judiciaire du pays.
Les réactions n’ont pas tardé et des milliers de manifestants ont exprimé leur mécontentement vis-à-vis de ces annonces qui constituent des remises en causes supplémentaires aux acquis de la révolution de 2011. Dans les cortèges c’est l’expression d’un ras-le-bol d’une population tunisienne face à un régime de plus en plus autoritaire qui primait. Le pays semble ainsi rattrapé par ses vieux démons autocratiques desquels il tentait de se détacher depuis une décennie. Plusieurs associations de défense des droits de l’homme ont par ailleurs signifié leur inquiétude face à cette régression.
Pour rappel, le régime tunisien est suspendu aux décisions de son président Kaïs Saïed depuis qu’il s’est arrogé les pleins pouvoirs le 25 juillet 2021. Il avait alors prononcé la dissolution du Parlement sans annoncer de perspectives claires quant à un retour à des instances législatives indépendantes. Les dérives de ces derniers mois font craindre un grand retour en arrière qui efface le leg de la mobilisation populaire de 2011.