Cet article fait partie du dossier La présidentielle française vue de l'étranger

Nous vous invitons à suivre ce dossier qui relatera la perception dans le monde de la campagne présidentielle en France. La campagne trouvera son épilogue les 10 et 24 avril 2022.

Vu d’Espagne : Dépasser les structures de parti, créer l’union populaire

« La proposition politique menée par Mélenchon dépasse nettement le périmètre électoral, politique et social des partis qui la composent et a créé une nouvelle offre politique. » Nous vous proposons la traduction de cet article de Mario Ríos, enseignant associé de l’Univesitat de Barcelone, publié dans le titre de presse catalan Público sous le nom « Dépasser les structures de parti, créer l'union populaire : leçons d'Andalousie et de France ».

Le débat sur l’unité de la gauche est à nouveau sur la table. Dans une situation de faiblesse politique et organisationnelle, les discussions entre les différents acteurs et dirigeants politiques et les intellectuels de gauche reviennent au centre de l’actualité. Et ce débat sur une candidature unie de la gauche est porté à la fois par les élections législatives françaises et par l’échéance électorale andalouse, le 19 juin prochain.

Ce débat politique s’est déployé parallèlement à la matérialisation en Andalousie de la première candidature unitaire des formations politiques à gauche du Parti socialiste ouvrier espagnol – PSOE – (à l’exception d’Adelante Andalucía). En 2019, Unidas Podemos et Más País, se sont présentés séparément. Au même moment, en France, Mélenchon réussissait à unifier toute la gauche française sous la houlette de La France insoumise.

Une première façon d’aborder ce débat a été celle de l’union coûte que coûte. Divers secteurs politiques, culturels et médiatiques ont insisté sur l’idée d’un Front populaire comme étant une sorte de solution miraculeuse aux maux subis par la gauche, en l’occurrence à l’échelle andalouse, mais également étatique. Dans ce débat, la réalisation de l’unité elle-même est perçue comme un instrument politique sans autre finalité politique que la sauvegarde de résultats électoraux modestes. La somme des formations politiques est uniquement envisagée sous un angle arithmétique dans laquelle chacune des organisations apporte un certain nombre d’électeurs qui, au final, amasseront un certain nombre de voix.

Ce qui est important dans cette approche n’est pas tant le but pour lequel cette union est réalisée, mais plutôt sa propre réalisation. Une façon de montrer à l’électorat progressiste que cette fois, oui, tous les partis de gauche iraient ensemble. Le seul but est ainsi de mettre en lumière cette « réussite » : le dépassement de clivages existants comme si c’était uniquement cela la formule secrète du succès politique et électoral. Cette logique rend difficile l’aboutissement d’un véritable projet unitaire, d’un programme politique qui soit bien plus qu’une façade, et d’un horizon politique de changement réel capable de répondre à de larges couches sociales.

Le cas français, en revanche, est loin de l’expérience andalouse et non pas parce qu’il ne s’agirait pas d’un pacte entre les différentes forces politiques comme cela s’est produit en Andalousie. Le processus d’unité de la gauche en France a eu lieu grâce au rapport de force bénéfique dont disposait Jean-Luc Mélenchon. Cela lui a permis de proposer un accord avec les verts, les socialistes et les communistes qui, confrontés au besoin de maintenir leur représentation politique (l’avenir de leurs organisations étant en jeu), ont accepté de faire partie d’un nouveau pôle populaire capable de transcender ces organisations et dont l’objectif est de refonder la gauche française. Les deux propositions politiques sont le fruit d’un pacte entre élites et non d’un quelconque processus issu de la base. Ils ne sont pas une unité politique réalisée d’en bas, mais plutôt convenue d’en haut.

Pourtant, la proposition politique menée par Mélenchon dépasse nettement le périmètre électoral, politique et social des partis qui la composent et a créé une nouvelle offre politique. Et il le fait parce que le débat s’est concentré sur une autre approche qu’en Andalousie : le programme politique et l’horizon du pays. Le leadership des insoumis, héritiers de la vague populiste des années 2014-2020, a permis de donner une nouvelle empreinte à cet accord entre différents mouvements pour créer quelque chose de nouveau qui rassemble toute la famille progressiste sous un même programme politique.

Un programme politique qui aspire à un renouvellement des propositions idéologiques de la gauche européenne sous la bannière écologique et sociale. La Nouvelle Union populaire écologique et sociale aspire à refonder idéologiquement la gauche et à semer les graines politiques, organisationnelles et électorales pour bousculer le système politique français sur le long terme. Le camp progressiste français trouve dans cette candidature un acteur politique inédit et ambitieux qui dépasse certains débats historiques au sein de la gauche française pour offrir un horizon capable de transcender les sigles des différents partis. Ce n’est pas une simple coalition électorale.

De fait, les premiers sondages depuis l’apparition de la Nupes montrent qu’elle pourrait disputer la victoire en nombre de voix aux élections législatives de juin. Mais au-delà de ce constat électoral, son irruption modifie le paysage politique français et les dynamiques concurrentielles existantes et impacte pleinement l’électeur progressiste, pouvant ainsi mobiliser des secteurs qui s’abstiennent traditionnellement aux élections législatives. Les répercutions d’une telle union pourraient donc être ressenties dans toute l’Europe, à un moment où les partis sociaux-démocrates ont besoin des nouvelles formations populistes, écologistes ou alternatives pour espérer atteindre le pouvoir. La candidature de Mélenchon peut servir d’exemple pour de futurs projets politiques.

Cependant, au-delà de ce débat, une conclusion claire peut être tirée. Si l’on aspire à créer une coalition politique capable de gagner, il faut qu’elle soit fondée autour d’un nouveau projet politique avec un nouvel horizon pour le pays. C’est la grande leçon que la gauche espagnole doit garder en tête pour le cycle électoral qui commence en Andalousie. Les candidatures unitaires qui se forment désormais doivent transcender les organisations politiques qui les composent. Les surpasser. Ils doivent laisser les logiques de parti au second plan comme leviers de quelque chose de plus grand. L’unité populaire à laquelle aspire tant la gauche et qui est probablement la seule option vraiment capable de gagner dont dispose le camp progressiste pour 2023 (élections législatives et autonomiques espagnoles ; NDLR) doit offrir un programme et un horizon politique qui émane d’en bas.

Par conséquent, un engagement entre organisations affaiblies n’est pas valable s’il se fait sans un accord programmatique de fond. Une proposition d’union en accord avec les attentes populaires, pas entre formations, et qui favorise l’apparition d’un nouvel acteur politique qui dépasse les différentes organisations existantes. Si cela se produit, l’impulsion mobilisatrice peut provoquer un bouleversement sur l’échiquier politique. Sinon, la gauche sera obligée d’être un amalgame d’acronymes pour survivre. Embrasser l’unité ou défendre un programme de transformation comme un drapeau : telle est la décision de la gauche qui marquera l’avenir du pays.

Accéder à l’article original de Público

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Marina Mesure

Syndicalisme international

Marina Mesure is a specialist of social issues. She has worked for several years with organizations defending workers’ rights such as the European Federation of Building and Wood Workers.

She has campaigned against child labor with the International Labor Organization, against social dumping and the criminalization of unionism. As a famous figure in the international trade union world, she considers that the principle of “equal work, equal pay « remain revolutionary: between women and men, between posted and domestic workers, between foreigners and nationals ».

Marina Mesure, especialista en asuntos sociales, ha trabajado durante varios años con organizaciones de derechos de los trabajadores como la Federación Europea de Trabajadores de la Construcción y la Madera.

Llevo varias campañas contra el trabajo infantil con la Organización Internacional del Trabajo, contra el dumping social, y la criminalización del sindicalismo. Es una figura reconocida en el mundo sindical internacional. Considera que el principio de « igual trabajo, igual salario » sigue siendo revolucionario: entre mujeres y hombres, entre trabajadores desplazados y domésticos, entre extranjeros y nacionales « .

Spécialiste des questions sociales, Marina Mesure travaille depuis plusieurs années auprès d’organisations de défense des droits des travailleurs comme la Fédération Européenne des travailleurs du Bâtiment et du Bois.

Elle a mené des campagnes contre le travail des enfants avec l’Organisation internationale du travail, contre le dumping social, la criminalisation du syndicalisme. Figure reconnue dans le monde syndical international, elle considère que le principe de « travail égal, salaire égal » est toujours aussi révolutionnaire : entre les femmes et les hommes, entre les travailleurs détachés et domestiques, entre étrangers et nationaux ».

Sophia Chikirou

Directrice de la publication

Sophia Chikirou is the publisher of Le Monde en commun. Columnist, director of a documentary on the lawfare, she also founded several media such as Le Média TV and the web radio Les Jours Heureux.

Communications advisor and political activist, she has worked and campaigned in several countries. From Ecuador to Spain, via the United States, Mexico, Colombia, but also Mauritania, she has intervened with progressive and humanist movements during presidential or legislative campaigns.

In 2007, she published Ma France laïque (La Martinière Editions).

Sophia Chikirou es directora de la publicación de Le Monde en commun. Columnista, directora de un documental sobre el lawfare, también fundó varios medios de comunicación tal como Le Média TV y la radio web Les Jours Heureux.

Asesora de comunicacion y activista política, ha trabajado y realizado campañas en varios países. Desde Ecuador hasta España, pasando por Estados Unidos, México, Colombia, pero también Mauritania, intervino con movimientos progresistas y humanistas durante campañas presidenciales o legislativas.

En 2007, publicó Ma France laïque por Edicion La Martinière.

Sophia Chikirou est directrice de la publication du Monde en commun. Editorialiste, réalisatrice d’un documentaire sur le lawfare, elle a aussi fondé plusieurs médias comme Le Média TV et la web radio Les Jours Heureux.

Conseillère en communication et militante politique, elle a exercé et milité dans plusieurs pays. De l’Equateur à l’Espagne, en passant par les Etats-Unis, le Mexique, la Colombie, mais aussi la Mauritanie, elle est intervenue auprès de mouvements progressistes et humanistes lors de campagnes présidentielles ou législatives.

En 2007, elle publiait Ma France laïque aux éditions La Martinière.

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