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La révolution citoyenne

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Une nouvelle insurrection populaire : l’Ile Maurice

Des dizaines de milliers de Mauriciens en colère ont défilé dans la capitale le 28 août 2020. Du jamais vu depuis plusieurs décennies. Ce surgissement populaire fait suite au désastre écologique causé par le naufrage du vraquier japonais « Wakashio » au début du mois d’août.

Cette analyse nous est donnée par Manon Dervin, membre de l'équipe du Monde en commun.

Conjonction de facteurs déclencheurs : le fait économique et le fait écologique

Le 25 juillet, le Wakashio heurte un récif au large de l’Ile Maurice. Les 3800 tonnes de fioul et 200 tonnes de diesel qu’il transportait ont commencé à se répandre dans les eaux turquoises qui font la réputation de cette île de l’océan Indien. Plusieurs jours se sont écoulés et 1000 tonnes de fioul ont souillé le rivage et les fonds marins avant que les autorités ne prennent la mesure de la catastrophe et ne réagissent. 

Cette tragédie écologique ne peut s’expliquer sans l’insérer dans un cadre économique : celui du capitalisme globalisé et ses longues chaînes d’interdépendance. 90% du commerce mondial en volume transite par la mer. De l’Amoco Cadiz au naufrage du Wakashio en passant par l’explosion de Beyrouth, c’est à chaque fois la dérégulation du transport maritime qui est en cause. Pour maximiser les profits, le commerce globalisé exploite des équipages captifs de rafiots peu entretenus qui naviguent sous pavillons de complaisance pour échapper à toute régulation internationale. Le MV Wakashio en est une caricature : vraquier japonais, il battait pavillon panaméen et son capitaine était indien. L’armateur japonais du navire, la compagnie Mitsui OSK Lines, avait déjà été impliquée dans plusieurs accidents, dont une marée noire en 2006 dans l’Océan indien.

Le Covid19 n’a fait que mettre à nu l’extrême fragilité de ces chaînes toujours plus longues. Un grain de sable et c’est toute la machine qui se grippe. Le Wakashio en est un exemple probant. Du fait de la pandémie de Covid-19 et d’une économie mondiale confinée, le navire naviguait sans but sur les océans faute de commandes. Pour éviter de payer des taxes dans les ports, il errait sur les mers, avec son équipage composé de marins qui pour certains n’étaient pas redescendus sur terre depuis un an. Une fatigue extrême et le manque de lucidité qui en découle pourraient expliquer en partie le naufrage.

De l’impasse des choses concrètes surgit l’insurrection populaire

Le contexte établi, c’est le processus de révolution citoyenne lui-même qu’il s’agit d’examiner de près. Pour comprendre le moment, il faut avoir à l’esprit que les 1,3 millions d’habitants de l’Ile Maurice dépendent de leur environnement pour vivre. En effet, leur économie est essentiellement basée sur la pêche et le tourisme. Cette marée noire a ainsi agit en révélateur de l’impasse des choses concrètes. Comment se nourrir dans des eaux polluées aux hydrocarbures ? Comment gagner sa vie si les touristes en mal de carte postale paradisiaque ne reviennent plus ? Le fait écologique qu’est la marée noire se traduit par une coupure d’accès aux réseaux dont dépend le peuple pour subvenir à ses besoins fondamentaux et compromet ses conditions mêmes d’existence. 

A cette angoisse existentielle légitime s’ajoute le constat de l’incurie des dirigeants. Les manifestants reprochent au gouvernement sa mauvaise gestion de la catastrophe. Le peuple a été aux premières loges du manque de réaction des autorités. Puis, il a constaté la nécessité de faire appel à l’aide internationale par manque de moyens techniques afin de faire face à une marée noire devenue inéluctable. Il a dû lui-même se retrousser les manches pour nettoyer. Enfin, les dizaines de dauphins retrouvés morts aux alentours viennent contredire les discours officiels visant à minimiser l’ampleur de la catastrophe et ses impacts. L’heure des comptes a sonnée.

Quand le peuple entre en révolution citoyenne

 

« Lile Morise, paradi pou tourise. Lanfer pou tou Morisien » (l’île Maurice, un paradis pour les touristes, l’enfer pour tous les Mauriciens), pouvait-on lire sur les pancartes des manifestants. Du fait écologique déclencheur dans un contexte de fortes dépendance et fragilité économiques produits du capitalisme et aggravées par le Covid-19 surgit le moment citoyen. C’est comme cela qu’un point de départ très précis devient l’étincelle d’un mouvement bien plus global dans ses revendications. Les manifestants ont aussi dénoncé les inégalités sociales, la corruption et un régime perçu comme de plus en plus autoritaire.

Peu importe l’étincelle, la grille d’analyse des révolutions citoyennes permet d’identifier des marqueurs communs à toutes les insurrections à travers le monde. D’abord la coupure d’accès au(x) réseau(x) et l’impasse des choses concrètes. En réaction, quand la goutte d’eau fait déborder un vase de colère et d’exaspération, surgissent des mouvements populaires spontanés et déterminés. Celui de l’Ile Maurice est né à l’initiative d’un simple citoyen et s’est propagé à toute la population. La diaspora mauricienne s’est également mobilisée dans de grandes villes comme Londres ou Paris. Comme au Liban, au Chili et ailleurs, le drapeau national est un symbole commun. Et les mots d’ordre eux-aussi sont similaires. Les manifestants ont ainsi appelé le Premier ministre à la démission, avec le slogan en créole « Lév paké aller » qui signifie ni plus ni moins « quitte le pouvoir ». Une manière très claire et radicale de réclamer que les responsables fassent leurs valises qui n’est pas sans rappeler le « Dégage » de la révolution tunisienne et le « tous c’est tous » des Libanais. 

Partout à travers le monde, c’est ainsi que le peuple unanime dans sa colère et ses aspirations se constitue et que surgissent les révolutions citoyennes. L’insurrection va-t-elle durer ? Quoiqu’il arrive, l’Ile Maurice vient s’ajouter à une liste déjà bien longue de pays en ébullition.

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Marina Mesure

Syndicalisme international

Marina Mesure is a specialist of social issues. She has worked for several years with organizations defending workers’ rights such as the European Federation of Building and Wood Workers.

She has campaigned against child labor with the International Labor Organization, against social dumping and the criminalization of unionism. As a famous figure in the international trade union world, she considers that the principle of “equal work, equal pay « remain revolutionary: between women and men, between posted and domestic workers, between foreigners and nationals ».

Marina Mesure, especialista en asuntos sociales, ha trabajado durante varios años con organizaciones de derechos de los trabajadores como la Federación Europea de Trabajadores de la Construcción y la Madera.

Llevo varias campañas contra el trabajo infantil con la Organización Internacional del Trabajo, contra el dumping social, y la criminalización del sindicalismo. Es una figura reconocida en el mundo sindical internacional. Considera que el principio de « igual trabajo, igual salario » sigue siendo revolucionario: entre mujeres y hombres, entre trabajadores desplazados y domésticos, entre extranjeros y nacionales « .

Spécialiste des questions sociales, Marina Mesure travaille depuis plusieurs années auprès d’organisations de défense des droits des travailleurs comme la Fédération Européenne des travailleurs du Bâtiment et du Bois.

Elle a mené des campagnes contre le travail des enfants avec l’Organisation internationale du travail, contre le dumping social, la criminalisation du syndicalisme. Figure reconnue dans le monde syndical international, elle considère que le principe de « travail égal, salaire égal » est toujours aussi révolutionnaire : entre les femmes et les hommes, entre les travailleurs détachés et domestiques, entre étrangers et nationaux ».

Sophia Chikirou

Directrice de la publication

Sophia Chikirou is the publisher of Le Monde en commun. Columnist, director of a documentary on the lawfare, she also founded several media such as Le Média TV and the web radio Les Jours Heureux.

Communications advisor and political activist, she has worked and campaigned in several countries. From Ecuador to Spain, via the United States, Mexico, Colombia, but also Mauritania, she has intervened with progressive and humanist movements during presidential or legislative campaigns.

In 2007, she published Ma France laïque (La Martinière Editions).

Sophia Chikirou es directora de la publicación de Le Monde en commun. Columnista, directora de un documental sobre el lawfare, también fundó varios medios de comunicación tal como Le Média TV y la radio web Les Jours Heureux.

Asesora de comunicacion y activista política, ha trabajado y realizado campañas en varios países. Desde Ecuador hasta España, pasando por Estados Unidos, México, Colombia, pero también Mauritania, intervino con movimientos progresistas y humanistas durante campañas presidenciales o legislativas.

En 2007, publicó Ma France laïque por Edicion La Martinière.

Sophia Chikirou est directrice de la publication du Monde en commun. Editorialiste, réalisatrice d’un documentaire sur le lawfare, elle a aussi fondé plusieurs médias comme Le Média TV et la web radio Les Jours Heureux.

Conseillère en communication et militante politique, elle a exercé et milité dans plusieurs pays. De l’Equateur à l’Espagne, en passant par les Etats-Unis, le Mexique, la Colombie, mais aussi la Mauritanie, elle est intervenue auprès de mouvements progressistes et humanistes lors de campagnes présidentielles ou législatives.

En 2007, elle publiait Ma France laïque aux éditions La Martinière.

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